14 mars 2007

La part du rêve

Pour pasticher Charles AZNAVOUR, je dirais, : « Je vous parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître .. » C’était en 1969.

Le dimanche 27 avril 1969, le référendum par lequel Charles de GAULLE appelait les Français à approuver la création de régions et la réforme du Sénat a donné un résultat négatif. Plus de 52 % des suffrages exprimés étaient des bulletins "non". Peu après minuit, le président de la République fait publier un communiqué indiquant qu'il « cessait d'exercer ses fonctions et que sa décision prendrait effet à midi »

Jugeant sa légitimité mise en cause par ce résultat qui intervient un an après les événements de mai 1968, le général de GAULLE quitte l'Elysée. Une élection présidentielle anticipée est provoquée.

Au total, six candidats sont en lice pour le premier tour le 1er juin 1969 :

Georges POMPIDOU : Premier ministre de 1962 à 1968, incarne la continuité du gaullisme sans de GAULLE.
Alain POHER : président du Sénat, le principal animateur de la campagne du «non» au référendum, Président de la République par intérim depuis le 27 avril.(1)
Jacques DUCLOS : pour le Parti communiste français.
Gaston DEFFERRE : pour le Parti socialiste.
Michel ROCARD : pour le PSU (Parti socialiste unifié).
Alain KRIVINE : pour la LCR (Ligue communiste révolutionnaire)

Quels sont les résultats au soir du premier tour ?

Pompidou 44,50%
Poher 23,30%
Duclos 21,30%
Deferre 5,00%
Rocard 3,60%
Krivine 1,10%

Dans ce cas de figure, que pensez-vous qu’il advint ?

L’affrontement Pompidou-Poher est qualifié par le communiste Jacques Duclos de « blanc bonnet et bonnet blanc ». Conséquence, le Parti communiste, le PSU et la LCR appellent à ne pas se rendre dans les isoloirs.

Le 15 juin 1969, le second tour est marqué par une abstention record (31%) et par la victoire sans appel de Georges Pompidou qui recueille 58,2% des suffrages exprimés mais seulement 37% des inscrits.

Hormis le rapport de force inversé dans le camp de gauche ou le Parti communiste ne représente plus aujourd’hui que 3 à 4% des intentions de vote, on est bien obligé de constater (au vu des derniers sondages) qu’un deuxième tour opposant un héritier du gaullisme et un centriste est une hypothèse crédible.

Même François BAYROU semble trouver une analogie avec l’élection de 1969 puisqu’il déclare : « Et croyez-moi, je ne serai pas dans le rôle de Poher ! »

Encore faudrait-il que les militants et sympathisants de gauche accordent à François BAYROU le moindre crédit ! Si en 2002, le vote de gauche en faveur de Jacques CHIRAC était un réflexe républicain, il n’aura pas lieu d’exister alors que le deuxième tour opposerait deux candidats (quoi qu’on puisse en dire) parfaitement attachés à la démocratie et à la république.

L’appel du pied à gauche que François BAYROU a tenté en parlant d’un premier ministre socialiste « dont il connaît le nom mais à qui il ne l’a pas encore annoncé » est une ficelle de trop grosse dimension. Les militants et sympathisants de gauche savent très bien que les élus UDF ont toujours mené une politique de droite, voir plus droitière que celle des élus RPR.

On peut tout à fait envisager un score proche du deuxième tour de 1969, y compris en ce qui concerne l’abstention.

Tous les acteurs de la vie politique sont unanimes, nous avons en 2002 été privé d’un débat et d’un choix de société. L’offre de joueur de poker de François BAYROU qui consiste à créer un inédit parti démocrate qui rallierait surtout des opportunistes et des « traîtres » n’a rien de rassurant pour l’avenir du pays et apporterait une frustration complémentaire à celle de 2002.

Il n’y a rien de novateur dans l’actuelle démarche du candidat de l’UDF. En effet, il y a un peu plus de 30 ans Valery GISCARD D’ESTAING lançait son célèbre « Les français aspirent à être gouverné au centre » et bien que doté d’une solide majorité, son mandat resta unique.

Mais, en l’état, le nombre d’élus UDF à l’assemblée nationale est de 27 et d’une trentaine au sénat. On peut donc légitiment envisager la pire des cohabitations en sachant que comme en 1997, elle peut durer 5 ans.

La seule solution pour le président BAYROU consisterait donc à donner des gages alternatifs à certains partis ou mouvements politiques pour pouvoir exister. En clair : le contraire de ce que François BAYROU nous explique et propose.

La démarche de François BAYROU aurait eu une valeur s’il avait il y a un ou deux ans « liquidé » l’UDF pour créer le fameux parti démocrate qu’i prétend aujourd’hui initier entre deux votes.

Il a préféré avec son mouvement naviguer entre le soutien à la majorité parlementaire et l’abstention (Le premier vote d’opposition n’était déjà que l’ébauche de la posture qu’il adopte aujourd’hui) mais, à cette époque, les sondages ne lui donnaient qu’environ 5%. A tel point qu’on peut se demander si François BAYROU lui même s’accordait la moindre chance !

L’expérience proposée par François BAYROU tient plus du bricolage que de la stratégie et le nombre de paramètre nécessaires à la réussite de sa mandature en cas de victoire est tellement important qu’on peut douter de l’avenir de la France à court et moyen terme.

Il est, décidément grand temps, que la campagne officielle démarre et que des débats contradictoires soient organisés par les media nationaux afin que les électeurs puissent faire la part du rêve dans les offres de ceux qui prétendent administrer leur quotidien et leur avenir.


(1) Il est à noter que Alain Poher sera à nouveau président de la république par intérim en 1974 à la mort de Georges Pompidou.

12 mars 2007

Bill CLINTON ou Georges BOULANGER ?

François BAYROU a récemment déclaré à la presse américaine vouloir être le Bill CLINTON français. Ainsi, l’ex damné des média, aurait trouvé sa référence internationale pour gouverner notre beau pays.

Hormis une cohabitation forcée, nul ne se souvient pourtant d’un gouvernement d’union nationale entre démocrates et républicains pendant les deux mandats de Bill CLINTON. Alors, pourquoi cette subite référence qui semble bien éloignée du cas de figure français actuel ?

N’en ayant trouvé trace dans ses propos et interviews, il ne reste que son dernier livre « Projet d’espoir » où nous pourrions peut être trouver des indications.

Direction le site de l’UDF afin de prendre connaissance de quelques extraits.
On y trouve une synthèse de l’ouvrage qui ne ressemble pas vraiment aux parcours, actions et prises de position de l’ancien président des Etats Unis.

Extraits :


Ce que François Bayrou démontre dans ce livre, Projet d'Espoir , c'est que le peuple, les citoyens, les médecins, les professeurs, les entrepreneurs, les retraités, les chômeurs, les RMIstes, les populations d'origine immigrée, tous les laissés pour compte, comme les autres ne veulent plus du système politique tel qu'il est aujourd'hui.


A défaut de ressembler au programme démocrate du candidat CLINTON, Cela ne vous rappelle pas quelque chose de plus français, même vaguement ?


Nous sommes à la fin des années 1800 et l'incapacité d'un paysage politique dominé par le radicalisme à se structurer en un système partisan cohérent, que ne compense guère l'emploi d'un mode de scrutin majoritaire à deux tours, aura pour conséquence une instabilité ministérielle chronique tout au long des 65 années que durera le régime. Sénat.fr


Et là surgit un homme « providentiel » : Le général Boulanger et son « boulangisme »


"Le boulangisme : substantif masculin singulier, aspiration vague et mystique d'une nation vers un idéal démocratique, autoritaire, émancipateur ; état d'âme d'un pays qui, à la suite de déceptions diverses que lui ont fait éprouver les partis classiques dans lesquels il avait foi jusque là, cherche, en dehors des voies normales, autre chose, sans savoir quoi ni comment, et rallie à la recherche de l'inconnu tous les mécontents et tous les vaincus (...). Arthur Meyer, Le Gaulois, 11 octobre 1889.

Projet d'Espoir : Toutes les questions importantes telles que les retraites, la constitution européenne, l'élargissement de l'Europe seront ainsi soumises de cette manière au peuple français, afin de lui redonner le pouvoir trop longtemps concentré dans les mains de quelques-uns.

« L’état d’esprit boulangiste, disait le journaliste Joseph Reinach, opposant de la première heure au général Boulanger, est celui des mécontents de tous les partis, de tous les fatigués, de tous les découragés, de toutes les ambitions déçues, des imbéciles qui rendent la République responsable des mauvaises récoltes, des niais qui ont gardé l’amour du panache, des malades qui, sans raison, se trouvant mal sur le côté gauche, se tournent sur le côté droit. »

Site de l’UDF :
Marielle de Sarnez est convaincue que les Français vont imposer un changement de la politique française aux appareils des partis. La directrice de campagne de François Bayrou a également assuré que les Français ne croient plus aux promesses électorales des candidats. (01/03/07)

« Bayrou veut un vrai rassemblement, dans le respect de l’identité de tous où le gaulliste amène sa sensibilité sur la patrie, le centriste sur l’Europe, le socialiste sur la justice sociale. On additionne » explique Michel Mercier


« Après avoir fait pendant des mois le coup du mépris à François Bayrou, Nicolas Sarkozy bascule dans l'excès et la caricature » a déclaré Jean-Christophe Lagarde à l'AFP. Le député réagissait aux propos du candidat UMP qui a accusé François Bayrou de proposer « un retour à la IVe République », synonyme de "règne des partis" et "d'impuissance"


Que disait-on à l’époque du boulangisme ?


Grâce à la moquerie et à la gouaille, le programme boulangiste est sur toutes les lèvres au cours de ces années d'agitation. Reviennent ainsi inlassablement dans les refrains et autres couplets la dénonciation de la corruption du monde politique et l'appel au rassemblement autour de la personne du général Boulanger, le "brave général" qui seul comprend les aspirations et les problèmes du peuple.


Toutefois, lorsqu’on demande au candidat BAYROU comment il voit son futur gouvernement de rassemblement il répond :


Sur la question d'un premier ministre de gauche, François BAYROU n'en a pas écarté l'idée : "J'ai un nom en tête, a-t-il affirmé, mais je ne lui en ai pas encore parlé.
"

Alors comment François BAYROU imagine sa victoire ?


Elu, il nome un premier ministre dont il ne connaît pas encore le nom

Il créé un parti démocrate du centre qui gagne les législatives
Il compose ensuite un gouvernement d’union nationale comme le Général De GAULLE à la libération


En résumé, votez pour moi et nous verrons au fur et à mesure !!!

Ceux qui connaissent la fin tragique du « Brave général » ne peuvent souhaiter à François BAYROU un telle issue, néanmoins, on peut se rappeler que si CLEMENCEAU disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour la confier au militaires, ne devrait-on pas dire que l’avenir de la France est une chose trop importante pour la confier à des gens sans projet ni troupe ?