Nous avons lu (en intégralité) ce rapport et relevé quelques extraits qui préfigurent les thèmes qui seront défendus par Nicolas SARKOZY et ses ministres durant la présidence française de l’Union.
Petit florilège
Emploi et mobilité Quantitativement, la mobilité professionnelle reste anormalement faible : autour de 2% des Européens vivent dans un pays de l’Union différent de leur pays d’origine. Selon Eurostat, au 1er janvier 2006, ils étaient 8,2 millions dans ce cas (dans l’Union à 25 membres). Mis à part le cas particulier du petit Luxembourg, dont un tiers de la population est constitué d’étrangers européens (notamment de Portugais), Chypre (7%), la Belgique (près de 6%), l’Irlande (5,1%) l’Allemagne (3,2%), l’Autriche (2,8%), la Suède (2,4%) et le Royaume-Uni (2,1%) sont les pays les plus accueillants pour leurs partenaires. Autre trait frappant : sur les 25 pays recensés dans cette étude, les ressortissants des pays tiers étaient plus nombreux que les étrangers européens dans 21 des Etats membres
Si le rapport concède à demi mots que la langue, l’emploi du conjoint, la scolarité des enfants peuvent être des « freins à la mobilité » il fustige beaucoup plus « les responsables des relations qui pénalisent les nomades au lieu de les promouvoir à leur retour » Admirable !!!
10 décembre 2007, la Commission a adopté un plan d’action pour la mobilité des travailleurs 2007-2010. Les mesures proposées concernent plus la tuyauterie administrative (consolidation du réseau d’observation trESS, pratiques administratives, amplification de la collecte d’informations stratégiques ….) que la solution des problèmes concrets des salariés. Il faudra aller plus loin si, comme le souhaite Xavier Bertrand, on veut faire de la mobilité des travailleurs, au niveau national comme dans toute l’Union, un axe fort de la présidence française. Une conférence de la présidence est prévue sur ce sujet les 11 et 12 septembre 2008 au Centre de conférences internationales de l’avenue Kléber.
Tous aux abris !!!
La mobilité des travailleurs et les droits sociaux. Le réseau EURES (European Employment Services) a été créé en 1993. C’est un service communautaire unique, qui rassemble 750 conseillers qualifiés et un portail internet permettant l’accès à plus de 1 million d’emplois vacants dans toute l’Europe. Depuis 2006, le fichier comprend tous les postes offerts par les services nationaux pour l’emploi des 27 pays, accessibles sur le portail en 23 langues, et les conseillers apportent une aide personnalisée aux travailleurs mobiles et à leur famille. Le réseau est complété par des sites spécialisés, tels EURAXESS pour les chercheurs. Interrogée par le rapporteur, la Commission reconnaît ne pas avoir de chiffres récents sur l’efficacité du réseau en matière de placements…
C’est dire que le système est loin d'être idéalement exploité. En France même, les services compétents admettent que le programme et le portail EURES sont insuffisamment utilisés par les services publics de l'emploi (ANPE, ASSEDIC, Missions locales). Le plan d’action pour la mobilité de la Commission prévoit une amélioration du service pour répondre aux besoins de catégories spécifiques comme les chômeurs de longue durée, les jeunes travailleurs, les seniors, les femmes, les chercheurs, les travailleurs indépendants et les saisonniers, avec l’objectif d’aider individuellement les demandeurs à établir un plan de carrière complet, comprenant leur réintégration sur le marché du travail à leur retour dans le pays d’origine.
Parfait verbiage d’élu qui croit que les technologies peuvent soigner dans l’ordre : Le chômage, la précarité et le mal de tête. Accepteriez-vous Monsieur Lamassourre de prendre un emploi (pardon, une mission) en Bulgarie du jour au lendemain ? Mais, c’est vrai que j’oublie que contrairement aux français de base, vous avez brillamment réussit vos études ce qui vous permet de ne pas être soumis à la mobilité. Mais vous n'êtes ni un chômeur de longue durée, ni jeune, ni une femme, ... et n'avez jamais quitté votre pays d'origine !
Mobilisation aux élections
- La participation générale aux élections européennes est passée, en moyenne, de 56% en 1994 à 50% en 1999 et 45% en 2004. Pour ces dernières élections, le taux de participation n'a dépassé les 50% que dans sept Etats membres. Encore trois d'entre eux connaissent-ils le vote obligatoire, tandis que le Luxembourg organise systématiquement ses élections nationales le jour des élections européennes. - En revanche, la proportion des résidents étrangers enregistrés pour voter dans le pays de résidence a augmenté, il est vrai à partir d'un départ très modeste : 6% en 1994, 9% en 1999, 12% en 2004. Mais le nombre de candidats reste très faible : il a même baissé de 62 en 1999 à 57 en 2004, où 3 seulement ont été élus.
Le rapport ne dit pas si le "formidable" engouement pour l'actuelle construction européenne ne va pas transformer scrutin après scrutin les électeurs en simple observateurs abstentionnistes. Quelle sera la crédibilité de l'institution lorsque seulement 28 à 30 % du corps électoral se sera déplacé ?
Avenir du système de santé
L’enjeu budgétaire n’est pas négligeable : en 2005, dernière année connue, les créances de santé de la France sur ses partenaires étaient de 445 millions, contre 208 millions de dettes liées aux soins reçus par des Français dans d’autres pays de l’Union. Avec les mesures de notre actuel gouvernement, il est probable que le chiffre ne diminue rapidement. Mais, au-delà des chiffres, c’est la conception de la citoyenneté et de la solidarité qui est en jeu. Malheureusement, la législation européenne sur la coordination des régimes de sécurité sociale actuellement applicable date de plus de trente-cinq ans (1971) !
Voilà dix ans que la Commission a proposé une mise à jour des directives majeures sur les droits sociaux des travailleurs migrants, aboutissant notamment au règlement 883/2004. Mais ce règlement de base n’est pas entré en vigueur, dans l’attente d’un règlement d’application en cours de négociation au Conseil. Le droit de la sécurité sociale, et notamment de la santé, est l’un des domaines où la Cour de Justice européenne s’est montrée la plus audacieuse, en interprétant l’esprit des traités de manière à compenser les lenteurs d’adaptation du droit secondaire de l’Union. - tout citoyen européen a le droit d’aller se faire soigner dans n’importe quel Etat membre ; - si une institution nationale de santé n’est pas en mesure de traiter un patient dans les délais et selon les soins qu’exige son état, elle doit, non seulement l’autoriser à chercher un traitement ailleurs dans l’Union, mais rembourser celui-ci des frais qui auraient été laissés à sa charge dans le pays d’accueil.
Ce faisant, la Cour invite implicitement les Etats membres à une coordination beaucoup plus fine et rigoureuse de leurs systèmes d’assurance maladie que celle qui a été réalisée jusqu’à présent.
Nivelons par le bas et bienvenue aux systèmes d’assurances privés qui pourront permettre à ceux qui en ont les moyens d’être correctement soignés. Depuis le temps qu'ils attendent ...
Fonction publique - Enseignement
La période de présidence française devrait être l’occasion de mettre fin à la situation délicate dans laquelle se trouve notre pays, pour le recrutement de ses fonctionnaires, depuis l’arrêt Burbaud43. En France, la fonction publique constitue un cas particulier. Certes, les concours de recrutement des trois fonctions publiques sont ouverts aux ressortissants de l’U.E. et un décret du 2 mai 2002 permet l’accueil en détachement de fonctionnaires d’un Etat membre.
Mais la Cour de Luxembourg considère que l’obligation de se soumettre au concours, formule inconnue dans la moitié des Etats membres, empêche abusivement des travailleurs pleinement qualifiés dans leur pays d’origine d’accéder à la fonction publique française.
Un projet de loi pourrait être déposé au second semestre 2008, ne serait-ce que pour faciliter le recrutement de professeurs de langues : il est proprement scandaleux sur le plan communautaire et absurde quant à l’efficacité de notre système d’enseignement que la France continue de se faire gloire d’interdire à des étrangers des pays voisins d’enseigner leur langue maternelle chez nous
Sera t-il possible qu’il viennent enseigner en France avec un contrat de travail lié à la législation de leur pays ? Ce serait vraiment une bonne idée, car cela permettrait d’avoir d’excellents salariés à un prix défiant toute concurrence. Au fait, il faudra quand même vérifier qu’un professeur de langue étrangère parle un peu le français … à moins que les français ne se mettent eux mêmes à devenir polyglottes pour leur permettre une intégration harmonieuse.
Communication (propagande ?) sur l’Union
Sous l’autorité actuelle de la vice-présidente de la Commission européenne Margot Wallström, la DG Communication est à la tête d’un réseau de 27 représentations de la Commission dans les capitales nationales, complétées par 800 relais. Elle dispose d’un budget annuel de 88 millions d’euros. Elle commande et gère les Eurobaromètres, à partir des priorités données par les autres services de la Commission : deux grandes enquêtes générales annuelles et une vingtaine de sondages sur des questions spécifiques.
Le site ouvert sur YouTube (EUTube) a reçu 10 millions de visites entre juillet 2007 et avril 2008. La chaîne communautaire diffusée par satellite, Europe by Satellite (EbS) va doubler ses capacités cette année. Il s’y ajoute les moyens de communication, sites internet, brochures et même antennes locales, dont se dotent les principales autres DG, sans oublier l’action propre du Parlement européen, soit en tant qu’institution, soit par l’intermédiaire de ses groupes politiques.
Le réseau des décideurs et leaders d’opinion. Le Parlement européen a introduit dans le budget 2007 un projet pilote sur les réseaux d’information. Il s’agit de constituer un réseau d’échanges d’informations et d’idées entre parlementaires, européens et nationaux, journalistes et autres leaders d’opinion. Un site internet devrait être inauguré en mai 2008.
Tout d’abord félicitations à Margot Wallström pour son budget. Après tout, si les citoyens européens ne s’intéressent pas aux formidables media que l’Union met à leur disposition, où est le problème ? A partir du moment ou ce la permet à une petite minorité triée sur le volet de « faire de la comm » tout va bien. J’exagère, ces media sont surtout suivis par les entreprises et les lobbies qui les servent.
Le projet sur les réseaux d’information est assez édifiant à ce sujet puisqu’il préfigure le nouveau microcosme dans lequel … vous ne serez pas !!!
Nous vous recommandons l’envolée lyrique sous forme de parabole qui conclue ce rapport. Il ressemble furieusement à ce que les petits marquis à la cour de Louis XIV venaient déclamer pour séduire les belles. Nous nous limiterons à de courts extraits laissant à l’internaute féru de poésie le choix de l’imprimer ou d’en faire des volatiles en papier.
EPILOGUE : LA PARABOLE DE LA CHARRUE Ils convertiront leurs épées en charrues, et leurs lances en faux ; et une nation ne tirera pas l’épée contre une autre nation, et ils ne s’exerceront plus à la guerre. Isaïe, II, 4.
Une légende tenace, et fausse, prête à Jean Monnet la formule : « Si c’était à refaire, je recommencerais par … » Selon les préférences des orateurs, on cite la culture, l’art, la science, le sport, la gastronomie, l’écologie, etc. Or, aujourd’hui, on l’a vu, c’est à refaire. L’Europe est à réinventer. Par où commencer ? Une petite parabole résumera mieux qu’une synthèse austère la conclusion ... / ...
Quand Europe eut réalisé le miracle des épées transformées en charrue, les chefs de tribu s’organisèrent pour en faire le meilleur emploi. Ils désignèrent un collège de sages assermentés pour faire rapport au conseil des Anciens … / …
De doctes Diafoirus de l’économie disputèrent sur les mérites comparés d’un clystère de liquidités monétaires et d’une saignée de pouvoir d’achat. Après avoir allongé les bœufs sur une litière psy, un sexologue de grand renom pointa les effets émollients de la castration, qu’une ingestion sur- dosée de Viagra ne parvint pas à corriger. Anticipant, par excès d’optimisme, un grand magazine féminin proposa un magnifique échantillon de frous-frous « commerce équitable » pour vêtir la Vérité lorsqu’elle sortirait, enfin, de son puits, en sa trop parfaite nudité. Mais la proximité d’une élection chez les Anciens commençait d’énerver les impatiences. On tenta un renversement total de position : la charrue fut montée sur les bœufs. L’expérience ne fut qu’éphémère : pour une fois, le lobby des tiques, qui, pourtant, n’aimait pas les bœufs, se joignit au lobby des pique-bœufs, grands dévoreurs de tiques, pour éviter que les lames suraiguës des socs, du couvre et de la rasette ne blessent indûment l’un ou l’autre des parasites. … /
Condamnés, bien malgré eux, à la modestie, les Anciens convinrent de faire appel à des sagacités étrangères. Un appel d’offres désigna un consultant plus angle que saxon. Sa conclusion fut d’une grande habileté professionnelle : « Messieurs, nous sommes devant un cas typique de l’histoire de la poule et de l’œuf. » … / …
« Et pendant ce temps, les glaciers fondent ! » fit observer un Cassandre télégénique. Il n’eut aucun mal à convaincre que la transpiration des sages, désormais menacés de voir leurs têtes promenées à bout de piques, était due au réchauffement climatique. Les temps étaient venus ! … /
Mais la mode était furieusement à la Chine post-confucéenne. « Si tu donnes au pauvre un poisson, il mangera un jour, si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie. » Cela sembla aussi lumineux que les hectares de néon qui couvraient les tours pékinoises. - Certes, convint le Doyen des Anciens. Mais qui apprendra au bœuf à pêcher avec une charrue ? » … /
Et tout le monde vit. Ce que nul, jusqu’alors, n’avait vu. Le paysan. Le paysan parla doucement aux bœufs, les attacha à la charrue, et la foule dut s’écarter pour laisser passer le premier sillon du premier labour d’une Europe enfin recommencée. Se retournant, une dernière fois, dans sa tombe, Saint Schuman, nimbé de sa toute fraîche canonisation, conclut : « Si c’était à refaire, je recommencerais par l’homme. Par ce que l’homme de demain voit en l’homme de toujours. Par un regard d’enfant. »
Sans commentaire ...
Source
Rapport Lamassoure