03 février 2023

Emploi des seniors : Poker menteur entre le gouvernement et le patronat

L'index senior du gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites met en fureur les organisations patronales. Auraient-elles peur de voir révéler que les seniors font de moins en moins partie de leurs effectifs et que l'argument du sauvetage du système des retraites n'est qu'une parfaite hypocrisie ?

Perdre son emploi au delà de 55 ans est la pire des choses qui puisse arriver à un salarié. En effet, c'est l'âge où les entreprises brandissent leurs habituels arguments sur le manque de formation, d'adaptabilité, de risque de maladies et de prétentions salariales trop élevées. Pour vendre sa réforme, le gouvernement insiste sur les moyens de maintenir les seniors dans l'emploi jusqu'à 64 ans et plus. Problème, les entreprises qui soutiennent la réforme se défilent. 

 


Le 24 janvier dernier, nous évoquions l'unique solution proposée par le gouvernement : un index seniors. Cet index, applicable dans un premier temps aux entreprises de 1000 salariés devait être étendu à celles de 300. Rappelons que cet index est une mesurette cosmétique et qu'une éventuelle sanction serait appliquée aux seules entreprises qui refuseraient de le publier. Les PME qui représentent la majorité des entreprises se trouvaient majoritairement exclues du dispositif et n'avaient donc aucun compte à rendre sur leurs effectifs.

Les syndicats de salariés ainsi que nombre d'élus de tous bords se sont élevés contre le peu d'impact de cette mesure ce qui a poussé plusieurs ministres dont la Première à envisager d'élargir l'index en dessous de 300 salariés et hier soir à évoquer, éventuellement, le chiffre de 50 salariés.

Fureur du président de la CPME dans un communiqué de presse : « Placer les PME sous surveillance en brandissant la menace de sanctions ne résoudrait en rien le problème. Et ne ferait qu’instituer de la défiance au lieu de rétablir de la confiance. Les petites entreprises ne peuvent ni ne doivent servir de variable d’ajustement dans le débat parlementaire en cours »

Le même président égratignant au passage les grandes entreprises adhérentes au concurrent MEDEF : « Et ce, d’autant plus qu’il est évident que les « plans de départs volontaires » incitant les seniors à quitter l’entreprise, ne les concernent pas  (les PME)» 

A notre connaissance, pour l'instant, la seule variable d'ajustement ce sont les salariés à qui on veut imposer deux ans de travail supplémentaires. De plus, les sanctions concerneraient le refus de publication de l'index. Alors pourquoi cette réaction ?

Tout simplement parce que la CPME, comme le MEDEF, craint que l'index ne révèle le fait que les entreprises quelle que soit leur taille, ne jouent pas le jeu du maintien de l'emploi des seniors. Dans ce cas, à quoi aura servi cette réforme si ce n'est pousser un peu plus de seniors vers la précarité ?

La réalité c'est que les entreprises adhérentes ou non au MEDEF ou à la CPME n'ont absolument aucune envie de prolonger les seniors à l'effectif ou d'en recruter. Et les organisations patronales le savent. C'est pourquoi elles jouent les vierges effarouchées et promettent monts et merveilles à condition de les laisser faire et de percevoir de nouveaux subsides de l'état.

La CPME parle de "pragmatisme" en opposition au "dogmatisme" qui animerait le gouvernement.

C'est au nom de ce fameux pragmatisme que moins de 35% des salariés à partir de 60 ans ont encore un emploi. C'est au nom de ce pragmatisme que la plupart des seniors proches de la retraite pointent à Pôle Emploi ou perçoivent les minima sociaux en attendant le départ à la retraite.

La technique du : « c'est pas moi c'est l'autre » et celle du : «nous avons un travail important à faire pour améliorer les choses à condition que l'état nous verse des subsides » ont des limites. Celles du respect des salariés qui ont donné 30 ou 40 ans de leur vie à des entreprises et se retrouvent dans un no man's land.

Si le maintien des seniors dans l'emploi demande autant de temps aux entreprises pourquoi n'ont t-elles pas travaillé sur le sujet depuis longtemps ? Si un senior remplit parfaitement sa tâche sur la durée pourquoi l'état diminuerait- il leurs cotisations sociales ?

Le Président de la République et son gouvernement savent parfaitement, chiffres à l'appui, que les entreprises ne feront aucun effort en contrepartie du report de l'âge de départ à la retraite. L'index senior fera long feu, les entreprises satisfaites expliqueront qu'elles ont encore besoin de plus de temps pour mettre en place des dispositifs seniors et en appelleront à l'état pour les financer … CQFD !

 

Autres sources

Interview Vidéo  du Président de la CPME


01 février 2023

Nouvelles règles d'indemnisation du chômage : la machine à fabriquer des précaires !

 

C'est à partir d'aujourd'hui que s'appliquent les nouvelles règles de l'assurance chômage. Au menu : baisse de la durée d'indemnisation pour tous et précarité à la clé.

L'argument du gouvernement pour justifier les nouvelles règles d'indemnisation du chômage est le suivant : « faire face aux difficultés de recrutement des entreprises et atteindre le plein emploi d'ici 2027 » nous explique Europe1

J'expliquais, dans un précédent billet que la « pénurie de candidats » évoquée par les organisations patronales et le gouvernement qui est sans commune mesure avec le nombre de chômeurs (catégories A, B, C) est liée, en grande partie, au fait que la majorité des emplois dits en tension sont proposés par des secteurs qui ne trouvent pas preneurs depuis des décennies ou qui proposent des conditions de travail peu attrayantes (horaires décalés, délirants ou partiels ) et surtout mal rémunérées.

Qu'à cela ne tienne. Le gouvernement, sous la pression des organisations patronales, qui affirme atteindre le plein emploi à court terme a décidé de s'en prendre aux chômeurs. Si la machines à radiation a fonctionné a plein régime, c'est maintenant au tour de la durée d'indemnisation d'entrer dans la danse.

Que se passe t-il concrètement à partir de ce 1er février 2023 ?

La réponse se trouve sur le site du ministère du travail : « À compter du 1er février 2023, à l’ouverture du droit en métropole, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi sera réduite de 25 % par rapport aux règles applicables antérieurement, tout en restant toujours supérieure à 6 mois. A l’expiration de son droit, le demandeur d’emploi pourra bénéficier d’un complément de fin de droit prolongeant sa durée d’indemnisation en cas de dégradation de l’état du marché du travail, c’est-à-dire lorsque le taux de chômage dépasse 9 % ou en cas de dégradation très rapide de la situation du marché du travail »

En clair : la fin de droits va intervenir plus vite pour tous les chômeurs! Mais quid des chômeurs seniors qui risquent en plus d'être d'être impactés par le report de l'âge de la retraite  ?

Denis Gravouil, négociateur pour la CGT de l’assurance-chômage en expliquait dans le journal La Marseillaise les conséquences : « Parmi les plus touchés : les seniors qui, à plus de 55 ans, avaient 36 mois d’allocation-chômage, cela va se réduire de 25 % et donc passer à 27 … Des gens qui ont 55 ans au 1er février qui auront été licenciés ... n’auront que 27 mois ... »

Le MEDEF comme la CPME promoteurs de ces nouvelles règles ainsi que celle du report de l'âge de la retraite à 64 ans sont peu prolixes sur le sujet avec, toutefois, quelques propositions carrément outrancières.

Du côté du MEDEF on propose : « …  le versement par Pôle emploi (ou l’assurance chômage) d’une “aide compensatoire” aux seniors (jusqu’au moment du départ en retraite) qui acceptent un emploi moins bien payé que leur travail précédent »

La CPME de son côté, propose, entre autre : « … une exonération des cotisations patronales au régime d’assurance chômage durant la période d’emploi d’un senior ... »

Ces propositions sont particulièrement insultantes envers ceux qui ont 55 ans ou plus et ont perdu leur emploi, très souvent pour des raison indépendantes de leur volonté mais dont les entreprise ne veulent pas pour des raisons de « manque de compétence » de « risque de pathologies » et bien entendu de salaires « trop élevés » En fin de compte, les organisations patronales se comportent dans cette affaires comme de vulgaires chasseurs de primes.

Mais il est vrai que les entreprises y ont pris goût. Il n'y a qu'a regarder le dévoiement de la formation en alternance (apprentissage) montré du doigt par la Cour des comptes : « Favorisé par les aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants depuis l’été 2020, l’essor sans précédent des entrées en apprentissage - + 98 % depuis 2019 - a surtout concerné les formations après le baccalauréat, destinées à des étudiants pourtant moins concernés par les difficultés d’insertion sur le marché du travail que les jeunes de niveau CAP ou baccalauréat. Cet essor a entraîné plus qu’un doublement des dépenses associées, qui devraient atteindre 11,3 Md€ en 2021, en grande partie à l’origine de l’impasse financière que connaît actuellement le système d’alternance et de formation professionnelle »

Vous conviendrez qu'avec une telle opportunité, embaucher un chômeur qui n'apporte pas de subsides a beaucoup moins d'intérêt.

Et que deviendront-ils les chômeurs qui n'apportent pas de « dot » ?

Eh bien, ce sera pour beaucoup, la précarité des petits boulots sans lendemain avec, pour horizon le RSA qui sera, bien entendu, à court terme, conditionné à 15 ou 20h d’activités hebdomadaires. Sachant qu'en cas de non-respect de cette condition d’activité, les bénéficiaires pourront voir leurs allocations diminuer voire disparaître en attendant, peut être d'avoir 64, 65, 66 ou 67 ans pour partir en retraite

La machine à fabriquer des précaires est en marche, à nous de l'arrêter !

 

Crédit image

BERTH Dessinateur