A ma grande surprise, Elisabeth GUIGOU députée de ma circonscription a très facilement et gentiment accepté de répondre à mes questions. Si nous avons abordé des problèmes purement locaux, nous avons profité de l’occasion pour évoquer la Seine Saint Denis, la présidentielle et l’avenir de la gauche.
Je vous livre ci-dessous la totalité de cette interview exclusive.
Bonjour Madame la Ministre,
Vous êtes la candidate du Parti socialiste sur la circonscription Bondy, Noisy le Sec et Romainville pour la deuxième fois. Que retirez-vous de votre expérience en Seine Saint Denis ?
Quand j’ai été élue en 2002, je me suis engagée à être la voix des Bondynois, des Noiséens et des Romainvillois à l’Assemblée Nationale et à défendre leurs intérêts. En cinq ans, j’ai reçu dans mes permanences plus de 3000 personnes et traité 4000 dossiers. J’ai tenté d’aider à résoudre les difficultés. J’ai soutenu quantité de projets d’associations, d’établissements scolaires, et appuyé les projets des villes de Bondy, Noisy-le-Sec et Romainville. Ce travail de terrain m’a permis de mieux voir les principales difficultés auxquelles sont confrontées les Bondynois, les Noiséens et les Romainvillois : la pénurie de logements à loyer modéré, l’emploi, les stages et les formations qualifiantes pour les jeunes, la santé, les transports collectifs, la pollution, la sécurité sur laquelle j’interviens fréquemment, notamment en étant en contact avec les commissaires de police.
Mais au-delà de ces difficultés j’ai surtout rencontré une formidable énergie et une grande créativité chez les habitants de nos villes et en particulier chez les jeunes. Le potentiel économique, culturel et humain de la Seine-Saint-Denis est considérable. A nous les élus de soutenir les projets et les initiatives.
La circonscription
Q - Comment envisagez-vous de faire évoluer positivement le regard des français sur notre département mis à mal de plus en plus régulièrement par les médias ?
La Seine-Saint-Denis ce n’est pas que du chômage, des voitures qui brûlent et des jeunes forcements dangereux. C’est surtout un dynamisme exceptionnel, une jeunesse qui a soif d’apprendre et d’agir, un tissu associatif riche de sa diversité, des entrepreneurs audacieux qui réussissent, créent de la richesse et des emplois. Par exemple j’ai initié un partenariat entre les lycées de Bondy, Noisy-le-Sec et Romainville et l’entreprise multinationale KPMG. Il offrira à nos jeunes des stages, des formations qualifiantes et de réelles perspectives d’avenir. La Seine-Saint-Denis mérite mieux que l’image qui en est faite et je me bats tous les jours pour changer cela.
Q - Que répondez-vous aux propos de Patrick DEVEDJIAN expliquant la différence entre les Hauts de Seine et la Seine-Saint-Denis par le fait que ce sont les communistes qui sont responsables des difficultés du département ?
Le chômage, la précarité, l’insécurité, le pouvoir d’achat, le logement, tous ces problèmes, relèvent de la compétence de l’Etat. Il est indigne d’accuser les élus locaux d’être responsables de cette situation alors qu’ils ne sont pas en charge de la sécurité ou de la politique économique.
Les gouvernements Raffarin, auquel appartenait M. Devedjian, et Villepin ont affaibli les services publics en retirant des postes d’enseignants, en supprimant la police de proximité et en fournissant des effectifs insuffisants à la police et la justice de notre département. Il y a par exemple quatre fois plus de policiers à Paris qu’en Seine-Saint-Denis. Et la misère du tribunal de Bobigny est flagrante. Ils n’ont cessé de diminuer le soutien aux associations qui entretiennent le lien social dans les quartiers.
Le récent rapport de l’INHES a montré à quel point cette politique a été néfaste. Sur l’économie, ils ont été incapables de relancer la croissance et de créer des emplois. La droite a préféré accorder des cadeaux fiscaux aux plus riches, même si cela faisait exploser la dette du pays. Et pour l’emploi de jeunes, ils n’ont su inventer que le CPE, qui heureusement a été retiré grâce à l’opposition parlementaire et à la mobilisation des syndicats et des étudiants.
Le Conseil Général, la Région Ile-de-France et les communes, ont fait de leur mieux pour compenser mais ils ne peuvent pas tout faire à la place de l’Etat quand celui-ci décide de se désengager. Il est injuste d’accuser les élus locaux de gauche alors que c’est la politique menée par les gouvernements de droite qui a aggravé la situation.
Q - Bondy a fait partie des villes touchées par les émeutes des banlieues. Habitant cette commune, j’ai pu constater que les dégradations étaient beaucoup plus faibles que ce que les médias ont bien voulu nous expliquer. Ne serait-il pas intéressant d’aider au développement de médias citoyens susceptibles de parler des réalités de terrain ?
Le développement d’Internet a considérablement modifié le rapport à l’information. Elle est à la fois beaucoup plus facile à obtenir, grâce aux très nombreux sites la faisant circuler, et à produire, notamment depuis l’apparition des blogs. Le journaliste n’est plus seulement une personne extérieure, venant relater et analyser ce qu’il a pu constater, mais peut aujourd’hui être un acteur direct de ce qu’il décrit.
C’est une évolution très intéressante qui permet d’avoir des points de vue plus divers et plus proches de ce qui ce passe. Le Bondy Blog en est un des exemples les plus connu. A un moment où quelques grandes entreprises proches du pouvoir concentrent entre leurs mains l’essentiel de la presse nationale, je pense qu’il est bon pour la démocratie de voir se développer à travers ces nouveaux médias une parole à la fois plus libre et plus proche du terrain. C’est un contre pouvoir utile et une respiration face à la concentration des médias.
Q - On parle beaucoup de problèmes de logement social. Votre circonscription est une de celle qui a fait années après années le plus gros effort alors que d’autres communes du département semblent ne pas respecter la loi sur les quotas de logements sociaux. Comment faire appliquer la loi partout en Seine-Saint-Denis ?
Le logement est un problème grave, en particulier en Seine-Saint-Denis. Je m’en rends compte tous les jours en discutant avec les habitants dans mes permanences ou sur les marchés. La gauche avait fait voter la loi SRU en 2000 qui oblige les villes à disposer d’au moins 20% de logements sociaux. De nombreuses villes de droite refusent toujours cette mixité sociale. Surtout, le gouvernement n’a rien fait pendant ces cinq années pour les obliger à mieux appliquer cette loi de la République.
Nous proposons la construction de 120 000 logements sociaux par an, le « bouclier logement » qui limite à 25% la part du budget des ménages modestes consacrée au logement ou la possibilité pour l’Etat de lancer les programmes de construction nécessaires à la place des villes ne respectant pas la loi. Le Préfet de la Seine-Saint-Denis pourrait ainsi imposer que, dans ces villes, les projets immobiliers comportent une part de logement social.
Q - Votre principale concurrente Georgia VINCENT (UMP) a déclaré au Bondy Blog : « Les socialistes ont laissé se développer l’ultra libéralisme dans les cités : certains jeunes que l’on dit à la dérive et sans repères ont organisé leur propre business souterrain. Il faut s’interroger sur ces jeunes écartés du cursus scolaire qui font tout pour subvenir à leurs besoins. Mais le fonctionnement rigide du régime socialo-communiste du département empêche cette énergie créatrice d’exprimer son potentiel phénoménal »
Que lui répondez-vous ?
Quelle critique contre le bilan des politiques éducatives et de sécurité des gouvernements qu’elle a soutenue depuis cinq ans ! Dans un Etat de droit, rien ne peut justifier que des personnes, jeunes ou moins jeunes d’ailleurs, ne respectent pas la loi, se livrent à des trafics ou imposent leur volonté aux autres par la violence.
Je condamne fermement ces comportements. Ils doivent être sanctionnés. Il faut malheureusement constater que la droite n’a fait qu’aggraver la situation depuis 2002. Elle a affaibli la prévention en supprimant des postes dans les écoles, les collèges, les lycées, et elle n’a pas donné les moyens à la police et au tribunal de Bobigny de fonctionner correctement. Surtout elle a commis une grave erreur en supprimant la police de proximité qui avait une réelle efficacité dans ces quartiers.
C’est la même candidate UMP qui avait organisé en 2002 une manifestation contre l’ouverture d’une antenne de police dans le sud de Bondy. Antenne qui a du fermer par la suite faute de moyens et d’effectifs.
Le PS, la gauche et la présidentielle
Q - Ségolène ROYAL a su rassembler la quasi-totalité des électeurs de la gauche. Or, on peut constater que chaque formation de gauche va présenter ses candidats face à une UMP particulièrement unie. Ne pensez-vous pas que des accords locaux auraient pu être négociés pour permettre de fédérer le vote de gauche ?
J’ai été au premier tour la candidate du Parti Socialiste, du Mouvement Républicain et Citoyen et du Parti Radical de Gauche. Au second tour, j’ai le soutien du Parti Communiste et des Verts. Je représente donc un large rassemblement. Le 17 juin prochain nous devrons mobiliser massivement tous les progressistes pour créer à l’Assemblée une force qui résiste et qui propose un autre projet pour notre pays et pour la Seine-Saint-Denis.
Q - Comment expliquez-vous qu’alors que les français aient majoritairement voté à gauche aux élections européennes et régionales et qu’ils aient pu être un peu plus 53% à voter pour Nicolas SARKOZY et probablement lui donner une majorité au parlement ?
Ce ne sont pas les mêmes élections. Il est vrai qu’en 2004 le rejet du gouvernement Raffarin avait amplifié nos larges victoires. M. Sarkozy a réussi à se dégager du bilan de la droite. Bien aidé par les médias, il est parvenu à se faire passer pour un homme neuf, alors qu’il était ministre de l’Intérieur et de l’Economie, numéro deux du gouvernement et président de l’UMP. Il est, lui aussi, responsable de la croissance faible, de la hausse de la précarité, de l’échec de la lutte contre la sécurité, du mauvais état de notre éducation, de notre police, de notre justice.
Comme tous les députés sortants de droite, il a soutenu le CPE et les baisses d’impôts injustes qui ont creusé la dette. Si les français se rappellent de cela, je ne suis pas sûre qu’ils voudront renvoyer pendant encore cinq ans autant de députés UMP à l’Assemblée Nationale.
Mais les français doivent savoir ce qui les attend si M. Sarkozy obtient une majorité écrasante. Les premiers projets du gouvernement montrent clairement ce qu’est une politique de droite. La TVA va augmenter, ce qui provoquera la hausse des prix de tous les produits que les français achètent et donc baissera leur pouvoir d’achat. Les quatre nouvelles franchises médicales sur les consultations, l’hôpital, les examens et les médicaments vont rendre le coût de la santé plus chère et empêcheront les familles les plus modestes de se soigner correctement. La loi sur la récidive est avant tout une loi d’affichage qui ne réglera rien.
Elle remet en cause les principes qui ont fondé notre justice et remplira encore plus nos prisons qui sont déjà en surpopulation. La loi sur l’immigration, la troisième en quatre ans, stigmatise les immigrés et leur famille et dégradera fortement l’image de la France à l’étranger. Et ce ne sont pour le moment que les premières annonces.
Q - Le message « travailler plus pour gagner plus » a eu plus d’impact que « Donner du travail à plus de gens » Les déclarations de plusieurs responsables socialistes pendant la campagne présidentielle mettant en cause les 35H00 n’ont-elle pas brouillé le message de gauche ? Si oui le regrettez-vous ?
En Seine-Saint-Denis, on sait que les salariés à temps partiel aimeraient bien être à temps plein, que les chômeurs aimeraient retrouver du travail et que les salariés ne refusent pas les heures supplémentaires. Ceux qui se sont laissé illusionner par le slogan de l’UMP auront des réveils douloureux.
Q - Nicolas SARKOZY a popularisé le terme « droite décomplexée » ne pensez-vous pas comme l’a déclaré Laurent FABIUS qu’il est temps que nous ayons une « gauche décomplexée ?
Il est temps d’opérer une profonde refondation de la gauche. Nous devons nous interroger sur les moyens de promouvoir nos valeurs dans le monde d’aujourd’hui. Quelles réponses apporter aux problèmes quotidiens des gens quand l’économie est mondialisée ? Quand l’individualisme progresse ? Nous devons repenser notre vision de la société pour proposer aux françaises et aux français un projet crédible et efficace de réforme de la société.
Votre action si vous êtes élue
Q - Quel « contrat » proposez-vous aux habitants de Bondy, Noisy le Sec et Romainville pour les cinq ans à venir ?
Si les habitants de la circonscription me font une nouvelle fois confiance, j’exercerai mon unique mandat de députée à leur service pour soutenir les initiatives, débloquer les situations difficiles ou appuyer les démarches. Les habitants de Bondy, Noisy-le-Sec et Romainville savent que sur le terrain et à l’Assemblée Nationale, je suis toujours là pour les représenter et les défendre. Ils savent aussi que je m’opposerai à tous les projets qui leur seront néfastes comme la mise en place de quatre nouvelles franchises médicales ou l’augmentation de la TVA qui diminuera le pouvoir d’achat des ménages à revenu modeste ou moyen.
Q - Quelles seront vos actions prioritaires en ce qui concerne la circonscription. Quelles sont les voies que vous comptez privilégier pour améliorer ?
Le cadre de vie
L’emploi local
La citoyenneté
Je continuerai à me battre pour que nos jeunes bénéficient d’une éducation de qualité comme je l’ai fait en soutenant l’atelier Science Po du lycée Jean Renoir de Bondy ou en initiant une convention entre nos lycées et la grande entreprise KPMG.
Je soutiendrai les entrepreneurs pour créer plus d’emplois et de richesses en Seine-Saint-Denis. Je continuerai d’exiger la création d’un commissariat à Romainville, d’une Maison de la Justice et du Droit à Bondy, des moyens supplémentaires pour le tribunal de Bobigny et la mise en place d’une police de quartier.
Je continuerai à intervenir dans les projets de rénovation et d’aménagement de nos villes. Je veillerai à ce que l’Etat verse sa part pour financer le prolongement du métro jusqu’à Romainville. Je continuerai à soutenir la construction de nouvelles maisons de retraite ou d’établissement d’accueil pour personnes en situation de handicap comme l’Institut Médico Educatif qui vient d’ouvrir à Bondy.
Que souhaiteriez-vous ajouter ?
La droite détient le pouvoir à la Présidence de la République, au Sénat, au Conseil Constitutionnel et dans les médias. L’Assemblée Nationale est la seule institution où peut s’exercer un contre pouvoir. Or celui-ci va être rapidement nécessaire car après les élections législatives les mauvaises nouvelles vont pleuvoir : des franchises médicales sur les consultations, l’hôpital, les examens et les médicaments, des baisses d’impôts pour les plus riches financées par une augmentation de la TVA payée par tous, des moyens en moins pour l’éducation et tous les services publics, une politique de sécurité qui abandonne les quartiers populaires, la concentration des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques.
C’est pourquoi il ne faut pas se laisser démotiver par les discours ambiants et la vague bleue annoncée. Nous devons tous nous mobiliser pour envoyer le plus possible de députés de gauche à l’Assemblée Nationale pour que les habitants de Bondy, Noisy-le-Sec et Romainville soient représentés à l’Assemblée et défendus. Parce qu’aussi notre démocratie a besoin de pluralisme.
Merci d’avoir répondu à mes question et permettez moi de vous souhaiter bonne chance pour le second tour.
A l’issue du premier tour, Elisabeth GUIGOU est en balottage favorable dans sa circonscription
Bondy le 14 juin 2007
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