18 mars 2011

Pour 2012 : L'UMP s'essaye au programme présidentiel participatif

L'UMP vient de lancer un site Web participatif, prélude à son programme pour 2012. Un tour du propriétaire s'imposait !

Lancé assez discrètement par l'UMP début mars 2011, le site est présenté de la façon suivante : « 2012 approche. Pour préparer cette échéance décisive, l’UMP ouvre très largement le débat : quand l’avenir de la France est en jeu, tous les citoyens sont concernés et ont leur mot à dire. Ce site consacré à l’élaboration du projet de l’UMP est donc pour vous ! »

C'est une adaptation simplifiée du site « Créateurs du possible» voulu par Xavier Bertrand et condamné à mort par Jean-François Copé. C'est à dire : Newsletter, réseaux sociaux, et des forums dans lesquels les internautes peuvent commenter ou suggérer des idées.

Nous n'avons pas encore pu trouver d'informations sur le coût de réalisation de ce nouveau site. Nous espérons néanmoins, que l'UMP qui explique quotidiennement aux français, qu'il faut se serrer la ceinture, aura trouvé le moyen de ne pas battre le précédent record des Créateurs du Possible, qui avait coûté, selon l'Express : « (...) 650 000 euros de mise en service, 300 000 euros de fonctionnement annuel, 150 000 euros de communication, 50 000 euros pour l'animation, autant pour la modération, en tout 1,2 millions d'euros (selon un rapport interne) engloutis en douze mois pour à peine 16 000 inscrits (...)

Ce site baptisé projets2012 doit évoquer les thèmes suivants : Le pacte républicain, la solidarité et la santé, la famille, l'éducation, la croissance, le travail, les atouts stratégiques, la culture, le transport et le logement, l'efficacité publique, l'immigration, l'Europe et la politique internationale.

On y trouve pour l'instant un seul thème développé par l'UMP : Sécurité et justice. Les autres thèmes ne comportant pour l'instant que des commentaires d'internautes.

Concernant : Sécurité et justice

On pourra au choix s'étonner ou s'amuser de lire que l'UMP qui, à notre connaissance, est au pouvoir depuis 2007, affirme que : « La sécurité des Français est une priorité pour notre majorité " tout en montrant du doigt la légèreté des pouvoirs publics dans le manque de places de prisons !

Extraits :

« (...) Chaque sanction prononcée doit être appliquée. Or à ce jour, plus de 80 000 peines ne sont pas exécutées, notamment à cause d’un manque de places de prison. L’efficacité et la crédibilité de la justice sont menacées ( ...) »

En clair, ceux qui ont dirigé le pays n'ont rien foutu ! Et quel est le bilan de ces gouvernants pour lesquels l'ensemble des élus UMP ont voté tous les textes de lois, notamment sécuritaires ?

« (...) Au total, à cette date, 60 544 personnes étaient écrouées et détenues pour 56 358 places. Cependant, les projections de population sous écrou effectuées par l’administration pénitentiaire aboutissent à la prévision de 71 000 détenus en 2012 et de 80 000 en 2017. La construction de nouvelles places de prison est donc nécessaire. Ainsi, afin de pouvoir appliquer les peines prononcées par les juges, il nous faudrait 20 000 places supplémentaires d’ici à 5 ans (...) »

En clair (bis) donnez nous cinq ans de plus pour réaliser ce que nous n'avons pas été à même de faire !

Quelles sont les premières réactions des internautes qui ont souhaité participer au forum attaché au volet " sécurité et justice" ?

Best off :

« ne surtout pas reduire les peines s’ils MANQUENT DE PLACE (...) surtout ne pas placer dans leurs chambres tele ni quoi ce soit qui leurs permettrait d'être mieux que dehors. punir punir vraiment et certains les renvoyer dans leurs pays d origine un point c'est tout »

« Pour les petites peines, utilisons les casernes désaffectées ou les camps d’entrainement militaires, c’était bon pour les jeunes Français, pourquoi ça ne le serait pas pour les délinquants, et pour ces petites peines, la discipline remplacerait les murs et les miradors…Tout le monde serait gagnant »

« (...) Je serais, par contre, pour éloigner le plus loin possible (genre Guyane jadis) les multirécidivistes dangereux, perdus définitivement (...) »

On peut également se régaler de contributions sur : Le Pacte Républicain

« J’ai fait 6 ans de pension chez les frères ou curés et 28 mois de service militaire je puis vous affirmer que 2 mois de pension à 11 12 ans valent mieux que trois ans de service militaire à 18 20 ans c’est à l’adolescence que se forme un homme et non quand l’adulte est déjà plein de vices ! »

« (...) A mon sens, il serait souhaitable de redonner rapidement le sens du patriotisme à travers l’école puis par le biais du service militaire. Je me souviens que nous chantions la Marseillaise dans la cour de l’école primaire…»

Solidarité - Santé

« Je voudrais vous faire part de l’étonnement provoqué dans mon environnement par une information puisée dans « Le Livret d’accueil Vivre en France » (très bien fait au demeurant et qui serait très instructif pour bon nombre de Français) concernant la retraite d’environ 700 euros/mois attribuée aux personnes de + 65 ans obtenant une autorisation de séjour , même si elles n’ont jamais travaillées (...) Bon nombre de nos retraités, à commencer par nos agriculteurs, n’ont pas de retraite similaire après une vie de travail (au delà des 35 h/semaine…) Ne pas s’étonner si des informations de ce genre entraînent des sondages prometteurs pour Marine LE PEN !!! »

Travail

« Il faut simplifiez le droit du travail… et les contrats de travail… et les ruptures de contrat de travail… cela devient si difficile a se séparer d’un salarié ( même d’un commun accord) que je n’embauche plus depuis des années…. »

« - Flexibilité 35h-45h hebdomadaire. - Création d’une carte transport comme il existe aujourd’hui les tickets restaurants. - Indemnisation unique et forfaitaire des chomeurs fixée entre 600 et 800 €. - Suppression de la protection sociale pour toute personne ne travaillant pas (sauf chômeurs de moins d’un an) - Création du Contrat Moyen-Terme : CDD dont la durée peut varier entre 25 et 75 mois. Sécurité pour le salarié pour la période donnée, souplesse pour l’entreprise

Immigration

« supprimez les aides aux immigrants, ils seront moins attirés par la France »

« Je suis handicapé à 80%, une retraite pour invalidité misérable, aucune aide, mais les étrangers eux, ont tous les droits, toutes les aides, ils cherchent à islamiser la France, bafouent nos lois, et se fichent ouvertement de nous, en toute impunité. Charité bien ordonnée commence par sois même. Les français d’origine d’abord, la racaille dehors »

Même si beaucoup d'autres contributions moins excessives, flairent bon le militant discipliné, on pourra rire de ces débuts tonitruants, mais d'un rire modéré, puisque c'est théoriquement à partir des commentaires et idées émises par les participants, que l'UMP va monter son programme.

Car, comme l'explique le site : « Prenez part au débat pour 2012 ! Afin de confronter nos idées et de faire émerger des propositions audacieuses pour le prochain quinquennat, apportez vos réponses aux préoccupations des Français et aux grands défis que doit relever la France ! " Audacieux n'est pas le terme que nous aurions choisi ...

17 mars 2011

Cantonales : A élections locales ... conséquences nationales !

L'UMP, toujours prête à nous donner des leçons de démocratie aura minimisé voir discrédité les élections cantonales. Il faut dire que l'hypothèse d'un Sénat qui bascule à gauche, affole ! Jusqu'à abandonner quelques cantons au Front national ...

Jean-François Copé grand spécialiste des débats sans tabou et toujours prêt à dégainer se sera contenté, cette fois-ci ,d'un texte assez mièvre, envoyé par mail, à ses militants.

Vous noterez au passage, dans ce texte, qu'il semble plus évident pour lui de parler de « pouvoir d'achat »à ses propres troupes, qu'aux français dans leur ensemble !

« Ce dimanche 20 mars se déroulera le premier tour des élections cantonales. Nous tenions à vous rappeler l’importance de ce rendez-vous pour la défense de nos valeurs et de nos idéaux.

Parce qu’une élection c’est avant tout la consultation des citoyens et la garantie de l’élaboration démocratique des décisions, notre premier combat est celui de la participation. Nous avons besoin de vous pour mobiliser votre entourage et faire de ces élections le grand évènement républicain qu’elles doivent être.

Pourquoi est-il nécessaire d’aller voter dimanche ?

- Parce que les décisions du Conseil Général ont une incidence directe sur votre quotidien. Acteur clé de l’action sociale, le département aura notamment un rôle central dans la mise en œuvre de la grande réforme de la dépendance des personnes âgées voulue par Nicolas Sarkozy.

- Parce que les Conseils Généraux gérés par le Parti Socialiste sont aujourd’hui utilisés par l’opposition pour contrer l’effort de réforme et de redressement mis en œuvre par Nicolas Sarkozy : les impôts locaux augmentent, les dépenses de fonctionnement dérapent… alors que le pouvoir d’achat des Français et le déficit de la France sont une préoccupation constante de notre Gouvernement et de notre majorité.

Quelle que soit votre situation, nous comptons sur vous :

- Vous êtes électeur de l’un des 2 023 cantons concernés : allez voter et mobilisez votre entourage !

- En cas d’absence, faites-vous représenter en établissant une procuration : c’est encore possible dans les prochaines 24 heures aux vues des délais postaux. Vous obtiendrez tous les renseignements nécessaires en cliquant ici.

(...) Chaque voix compte. Je compte sur vous et sur votre mobilisation pour aller voter dimanche et pour véhiculer ce message auprès de votre entourage et de vos proches.

Merci de votre implication,
Jean-François Copé »

Ce texte, assez insignifiant, ne fait pas mention du message très clair du Président sur les alliances avec le Front National. Et pourtant sur le terrain, tout est loin d'être clair !

En effet, alors que Jean-François Copé indiquait : « (...) Ni alliance avec le Front national, ni front républicain.» on apprend par Le Figaro, qu'il reconnaissait : (...) que sur le terrain, les choses étaient parfois plus ambiguës. Éric Woerth a raconté qu'il avait dû procéder à des rappels à l'ordre dans son fief de l'Oise. «Dès qu'on ne sera pas clair, ce sera ravageur», a affirmé l'ex-ministre du Budget (...) »

Ni front républicain ... en cas de duel PS-Front national au second tour ?

C'est en effet la décision de l'UMP. Et bien que Nathalie Kosciusko-Morizet a eu le courage d'annoncer sa préférence pour le PS en cas de duel avec un FN (...) et que (...) Laurent Wauquiez a réclamé une «marge de manœuvre»: «Si le FN est en position de gagner, on doit pouvoir appeler à voter PS (...) » On notera que pour moult députés UMP on préconise comme Claude Goasguen « la pêche à la ligne », autrement dit l'abstention - Le Figaro

A vous d'en tirer les conséquences et surtout au cas où un deuxième tour de la présidentielle opposerait le ou la candidat(e) de gauche à la présidente du FN !

Au delà de cette attitude prévisible inaugurée par le débat sur " la place de l'islam dans la république " et les " bateaux d'émigrés à remettre à la mer " la tactique de l'UMP serait plutôt de laisser gagner quelques candidats du FN que de voir la gauche devenir majoritaire au Sénat !

C'est d'ailleurs expliqué sans détour par Christian Vanneste, de la "droite populaire" : « Même s'il y a un ou deux conseillers généraux FN qui sont élus, est-ce que cela menace la République ? Pas du tout ! » - Le Figaro

Alors, vous voyez, même si on vous dit le contraire : A élections locales ... conséquences nationales !

16 mars 2011

Cantonales : La déroute que l'UMP veut cacher !

La majorité présidentielle devrait subir une de ses plus grosses défaites électorales pour les toutes proches élections cantonales. La stratégie qui aura consisté a cacher son appartenance ne devrait pas faire illusion !

Le courage en politique dit-on, consiste à afficher son drapeau quelque soit les circonstances ou turbulences. Enfin, ça c'est pour la galerie, puisque, comme l'explique le Nouvel Obs : " (...) de nombreux candidats de droite ont choisi pour le scrutin des 20 et 27 mars de masquer leur appartenance à l'UMP (...) "

Ce qui avait donné au PCF l'amusante idée de créer un site sur lequel on pouvait récupérer des logos UMP à coller sur les affiches de candidats l'ayant omis : (...) 1000 candidats de droite aux élections cantonales ont oublié de mettre leur sigle UMP sur leur affiche électorale. Aide-les à retrouver le chemin de leur identité. Utilise l'une des affichettes ci-dessous et colle-là sur leur affiche (...) "

Or, même le Premier Ministre qui ne souhaite pas se voir imputer une catastrophe électorale les soutiens dans leur initiative : François Fillon considère les cantonales comme des élections "très locales" et juge logique que les candidats ne mettent pas en avant leur parti" le tout sans rire ! - Nouvel Obs

Néanmoins, cette "profession de foi" à direction des électeurs ne devrait pas faire illusion si les chiffres estimatifs publiés par le Nouvel Obs le 15 mars devaient se confirmer !

L'UMP et ses alliés (Nouveau centre et divers droite) remporteraient 28% des voix au premier tour, alors que le total de la gauche parlementaire atteindrait 51% des voix. Le PS (avec les divers- gauche, les radicaux et les chevènementistes) est en effet annoncé à 32%, le Front de gauche (PCF et Parti de gauche) à 10% et Europe-Ecologie-Les Verts à 9%.

Le Front national obtiendrait 15%, selon ce sondage, le MoDem 2% et l'extrême-gauche 1% (...) Pour rappel, au premier tour des cantonales de 2008, l'UMP et ses alliés avaient obtenus 40,7% des voix, et la gauche parlementaire 47,8% des voix (...) " - Nouvel Obs

Néanmoins, si ces prévisions devaient s'avérer exactes, pas de problème pour le Premier Ministre et sa majorité, dans la mesure où ils pourront toujours affirmer qu'aucun de leurs candidats n'a été battu, puisqu'aucun d'eux ne portait les couleurs du Président et du Mouvement Populaire !

Rendez-vous dans les urnes pour la suite !


Crédit photo
Hellopro

15 mars 2011

Politique de sécurité : Claude Guéant réinvente la police ... de proximité !

Le Président serait-il en train de manger une fois de plus son chapeau ! En effet, celui qui affirmait avoir : « tué le métier de ministre de l'intérieur » vient de laisser son actuel ministre annoncer plus de « contacts systématiques de la population » ce qu'on pourrait appeler de la police de proximité !

« La police va revenir au contact de la population en France » écrit Le Monde !

Qui aurait pu imaginer que notre Président, liquidateur de la police de proximité de Lionel Jospin au profit du tout répressif, pourrait, à demi mots, par l'intermédiaire de son ministre de l'intérieur, avouer son échec ?

Et pourtant comme l'écrivait Bakchich en 2008 : « Le 3 février 2003, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, se rend à Toulouse, ville pilote de la police de Proximité, mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin. Cette police avait alors un rôle de répression mais aussi de prévention (...) »

S'ensuivit des années pendant lesquelles notre ministre devenu Président le gouvernement ne cessait d'affirmer qu'il allait éradiquer : la violence, la criminalité, nettoyer les hall d'entrée, juguler tous les trafics et rendre la confiance aux habitants des cités ...

Bien que les résultats n'est jamais été à la hauteur des espérances de son promoteur, le 15/04/2010 " « (...) Brice Hortefeux revenait sur la police de proximité, lancée par le gouvernement Jospin à partir de 1999, puis dézinguée par Sarkozy en 2003 : « On a dit non à la police de proximité telle qu’elle était : les policiers étaient transformés en espèce de socio-éducateurs sportifs.» - Libération

Or, comme pour le bouclier fiscal qui ne pouvait en aucun cas être remis en cause et qui va passer à la trappe sous peu, il semble bien que nous assistons à un nouveau revirement sur un des axes majeurs de la politique du Président !

Alors, c'est quoi la nouvelle politique de sécurité du gouvernement ?

Claude Guéant : « Il faut travailler à améliorer la relation entre les policiers et la population (...) Récusant le terme ou la notion de police de proximité, il ajoute : « La police et la gendarmerie doivent reprendre des contacts systématiques avec la population (...) » 20Minutes

Quelques idées lancées par le ministre

« une présence policière "plus visible" en France pour améliorer la relation entre les forces de l'ordre et la population (...) davantage de patrouilles à pied, à effectifs réduits, davantage de voitures clairement identifiées police (...)

Défense de rire ! Surtout lorsqu'on sait, comme le rappelle l'Express que : « (...) Face à la persistance des violences urbaines et des incivilités, la gauche française, une partie des syndicats de police et des spécialistes de la sécurité réclament depuis des années le retour à une forme de police de proximité (...)

En clair : On mange son chapeau en silence et on propose aux français le concept de police de proxim... pardon de « contacts systématiques avec la population "

Ce changement de stratégie devrait faire au moins un heureux : La marque Kärcher dont le nom avait été associé à la politique de sécurité du futur chef de l'Etat ! Pour connaître la prochaine marque associée aux " contacts systématiques de la population" il faudra attendre encore un peu ...


14 mars 2011

« Le scandale des délocalisations » : Non la mondialisation n'est pas heureuse !

Quelques beaux esprits se plaisent à nous expliquer régulièrement que les délocalisations sont : au pire inéluctables, au mieux insignifiantes. Ce n'est pas l'avis d'Eric Laurent qui vient de publier : « Le scandale des délocalisations». Il a accepté de répondre aux questions de Slovar

Les délocalisations sont un très grave problème. A tel point que le 17 février, la Cour des comptes dans son dernier se montrait sévère sur le soutien public, accordé aux entreprises exportatrices . Allant comme l'écrit le Moniteur du Commerce International : « (...) jusqu’à appeler à « la définition d’une politique d’internationalisation des entreprises tenant compte de ses conséquences en termes d’emplois », une manière d’inciter les pouvoirs publics à ne pas favoriser des délocalisations via leurs soutiens (...)»

On pourrait également évoquer l'information de l'Auto Journal n°824 du 10 mars 2011 qui indiquait en page 32 que : « (...) PSA et Renault n'ont produit que 29,7% de leurs automobiles sur le sol français en 2010 (...) » A noter que si Peugeot affiche 37,2% et Citroën 36,8% de véhicules assemblés en France, Renault dont l'état est toujours actionnaire n'en a produit que ... 26,4% !

C'est dans ce contexte que, le livre d'Eric Laurent « Le scandale des délocalisations », vient opposer la réalité du terrain, aux propos d'économistes libéraux nous expliquant que : « les délocalisations sont des atouts puisqu'elles permettent de créer de nouveaux emplois chez nous». Il a accepté de répondre à nos questions. Attention c'est du lourd !

Slovar : Vous êtes grand reporter et spécialiste de politique étrangère. Vous venez de publier « le scandale des délocalisations » pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Eric Laurent : Je m’intéresse avant tout aux ressorts cachés qui sous tendent les grands enjeux politiques et économiques. Mes livres sont le résultat d’enquêtes qui ont porté aussi sur la famille Bush ( « La guerre des Bush ») que sur les manipulations et des informations autour du pétrole (« La face cachée du Pétrole »), pour ne citer que ces deux exemples. Si je devais résumer ma démarche, je dirais que je m’efforce de découvrir la réalité, cachée derrière la vérité ou les discours officiels.

Slovar : Dans votre livre vous dressez un portrait sans concession de la destruction massive d'emplois en Europe et aux Etats Unis. N'avez vous pas peur de vous faire clouer au pilori par les économistes français qui de leur côté, minimisent l’ampleur du phénomène ?

EL : L’ampleur des délocalisations constitue le scandale politico économique probablement le mieux dissimulé à l’opinion, en Europe et aux Etats Unis. Alors que la France est le pays européen qui se désindustrialise le plus vite, que son secteur des services et lui aussi touché de plein fouet par ce phénomène, il n’existe depuis 2005 aucun rapport officiel, aucune évaluation publique sur la grandeur de ce processus en cours, qui s’est d’ailleurs accéléré depuis la crise de 2008. Les économistes, comme d’ailleurs tous les experts ont tendance à corroborer avant tout une pensée dominante, celle d’une « mondialisation heureuse » où il n’y aurait que des gagnants. Ils font le choix de l’illusion au détriment de la réalité, alors qu’il faudrait au contraire dissiper l’illusion pour maîtriser la réalité. Et cette réalité, en France, en Europe et aux Etats Unis est angoissante : la liste des perdants, ou plutôt des vaincus de la mondialisation qui ont vu leurs emplois dévalorisés, ne cesse de s’allonger, alors que celle des gagnants se ramène en tout et pour tout en trois catégories : les dirigeants des entreprises qui délocalisent, leurs actionnaires et les pays émergents qui bénéficient non seulement des emplois délocalisés mais aussi les transferts de technologie qui les accompagnent.

Slovar : Depuis un certain nombre d'années, les économistes et politiciens libéraux nous expliquent que nous serions destinés à devenir des pays de "services". Or vous nous expliquez, par exemple, que l'Inde est en train de prendre ces emplois. Sommes-nous condamnés aux services à la personne et autres emplois artisanaux peu délocalisables ?

EL : Le développement de la mondialisation a incité les entreprises occidentales à opérer deux choses : se réorganiser et délocaliser. Une réorganisation ne revêt pratiquement jamais un caractère définitif mais les délocalisations, au contraire, ont crée des dommages irréversibles.

Pendant des années, nous avons observé, fascinés, la montée en puissance de l’Asie, pour découvrir tardivement qu’elle était, due à notre aide involontaire. En « exportant » ( l’Europe et les Etats Unis), nous avons crée les conditions de notre dépendance. Les « bienfaits du libre échange » défendus par les libéraux constituent le credo plus totalement erroné. La Chine et l’Inde sont, elles, les économies ouvertes pratiquant le dite échange ? La réponse est clairement non. L’accès à leur marché est délicat, limité, et leurs entraves visent à renforcer leurs champions nationaux qui deviennent déjà concurrentiels sur la scène mondiale. Le résultat est édifiant : le déficit commercial de l’Union Européenne avec la Chine atteignait en 2009 le montant de 169 milliards de dollars et ne cesse de s’accentuer. Par contre la Chine exporte ou s’installe sans entraves sur le marché européen.

Dans un tel contexte, imaginer que nous pourrions rester des pays de « services » témoigne d’un aveuglement sans nom. Nous ne sommes plus en mesure de décider de notre avenir et croire que nous pourrions encore imposer une division du travail qui prolongerait notre domination relève de la stupidité. Les faits sont là : à compétence équivalentes, un informaticien indien est payé 1/5 e du salaire de son homologue européen ou nord américain, selon Alan Blinder, professeur à Princeton et ancien président du bureau des gouverneurs de la Réserve Fédérale, 28 des 42 millions d’emplois dans le secteur des services américains sont « susceptibles d’être délocalisés » et il semblerait que cette nouvelle vague de délocalisation soit si importante et rapide que les sociétés occidentales éprouvent de grandes difficultés d’ajustement. Pour lui, et je partage son opinion, à l’avenir la distinction cruciale ne sera plus entre travailleur hautement qualifié et les autres, mais entre ceux dont l’emploi peut être délocalisé et ceux qui ne courent aucun risque.

Slovar : Néanmoins, de par la libre circulation des personnes en Europe, les français ne vont-ils pas à terme être en concurrence (directive Bolkestein ) avec d'autres travailleurs venus de l'UE ? En clair les emplois peu ou pas délocalisables ne risquent-ils pas de souffrir de dumping de la part de salariés d'autres pays de l'UE ?

EL : Il faut le dire clairement : l’Europe encourage et finance les délocalisations à l’intérieur de son propre espace. Ses règlements, si contraignants, pour la conquête de nouveaux marchés extérieurs, se révèle à l’intérieur de ses frontières un véritable pays de cocagne pour les chefs d’entreprise, et un véritable cauchemar pour les travailleurs. Le secteur automobile s’est vu octroyer des aides massives alors qu’il avait déjà largement délocalisé, après la chute du mur de Berlin, dans des pays d’Europe de l’Est à bas salaires. Entre 2000 et 2005, la production automobile ainsi délocalisée a augmenté de 39,2% alors que les ventes ne progressaient que de 11%. Une nouvelle preuve que les économies de coûts sont au cœur de cette stratégie. La Cour de justice européenne, elle, se prononce en faveur du dumping social à travers plusieurs de ses jugements. Elle a donné raison à une entreprise lettonne qui faisait travailler en Suède, des salariés lettons payés aux normes salariales de ce pays ; même chose pour des travailleurs estoniens employés en Finlande. En France, quand on ne peut pas délocaliser les chantiers, on utilise des travailleurs portugais, payés entre 1300 et 1500€, primes comprises, et travaillant 6 jours sur 7, 60 heures par semaine. Ce travail à bas coût digne des conditions du 19e siècle a été pratiqué par une filiale de France Télécom.

Slovar : Que répondez-vous à l'Institut Montaigne qui affirme, en citant le même exemple que vous sur la Porsche Cayenne : " (...) N’oublions pas que les délocalisations peuvent aussi sauver des emplois. Par exemple, on sait que les constructeurs automobiles allemands ont préservé leur compétitivité en délocalisant en Europe de l’Est une partie de la production, et en important aussi plus de pièces détachées (...) Pourtant cela n’empêche rien, ni le succès de cette voiture, ni l’idée qu’on se fait de sa « germanitude », ni le fait qu’elle crée des emplois en Allemagne ! (...) " quelle est votre réaction ?

EL : La démonstration de l’institut Montaigne n’est pas tout a fait exact. L’économiste Hans Werner Sinn qui a popularisé l’exemple de l’effet Cayenne parlant de : « l’économie de bazar », pour illustrer ces délocalisations allemandes dans les pays d’Europe de L’Est. Pour ce président de l’institut de la recherche économique de Munich, cette évolution est « favorable aux entreprises mais pas aux travailleurs » « Le commerce internationale, ajoute-t-il, ne va pas contribuer à développer le marché du travail ce qui est le vrai test pour mesurer la capacité d’un pays à réagir au mouvement de la mondialisation. Beaucoup d’emplois industriels ont disparus et leurs anciens titulaires ne changent pas forcement de secteurs d'activité mais deviennent des assistés sociaux »

Slovar : Vous expliquez dans votre livre qu'un grand nombre d'entreprises délocalisent avec la complicité et l'aide de l'état, des régions et de l'Union européenne. Quelques exemples ?

EL : Il existe un exemple saisissant, celui de l’équipementier automobile Treves, qui obtenu 55 millions d’euros d’aide publique pour délocaliser. Depuis des mois, les salariés de deux de ses usines étaient mobilisés contre la fermeture. Ils ont appris que le groupe avait perçu un financement venant d’une filiale du fond stratégique d’investissement, un organisme crée en 2008 par Nicolas Sarkozy pour justement atténuer les effets de la crise et tenter de maintenir l’emploi. Le 14 octobre 2009 les élus du comité d’entreprise on été reçu à Bercy par le directeur de cette branche du fond d’investissement qui a déclaré « nous avons décidé en janvier 2009 d’intervenir dans le groupe Treves pour éviter un dépôt de bilan et la décision a été prise en février. Nous ne pouvons intervenir sans une restructuration massive, la seule solution viable était le fermeture de deux usines non rentables » Ainsi l’argent destiné à la sauvegarde de l’emploi en France, octroyé par un organisme d’état a permis aux dirigeants de ce groupe de licencier en toute quiétude plusieurs centaines de salariés et de financer leur délocalisation dans un pays à bas coût.

En 2001, l’aide aux entreprises se montait à 1,09% du PIB français, soit 15,8 milliards d’euros pour les seules aides de l’état soumises à la réglementation européenne. Un montant qu’il convient en réalité de doubler. Au niveau européen, un seul parmi de nombreux plans d’aides aux entreprises se chiffre à 50 milliards d’euros. Sur l’autre versant le montant dévolu aux salariés victimes des délocalisations est inférieur à 500 millions d’euros. Ce qui veut dire qu’un ancien travailleur autrichien ou français obtiendra une aide, en tout et pour tout de 22 euros.

Slovar : Que vous inspire la déclaration d'Ernest Antoine Sellières ancien Président du MEDEF et président de Business Europe en 2008 : " (...) Depuis 5 ans en pleine mondialisation, alors que le thème de la délocalisation est constant, on a créé en Europe 9 millions d’emplois, et donc nous avons le sentiment qu’il ne faut pas exagérer et c’est pourtant ce qu’on fait politiquement (...) "

EL : Les propos d’Ernest Antoine Sellières sont doublement faux. Ils reprennent les arguments rejetés en boucle par les partisans des délocalisations : « Ces délocalisations sont un processus naturel, une espèce de darwinisme social sur lequel il est inutile de s’attarder puisque à terme les bénéfices réalisés par l’entreprise qui délocalise lui permettrons de créer de nouveaux emplois dans le pays d’origine. C’est en fait un simple slogan dépourvu de toute réalité. Les emplois nouveau qui sont crées ne découlent jamais, ou presque, des délocalisations. Par contre les entreprises se comportent à la fois comme des mendiants et des fossoyeurs : elles quêtent les aides, de l’UE, de l’Etat, des régions, puis ensuite ferment les usines, contrairement à leurs promesses, les délocalisent dans les pays émergents. J’évoquais auparavant le nombre de perdants qui s’accroît rapidement : les gouvernements occidentaux confrontés à une économie mondiale ouverte, n’ont plus, ni les moyens, ni la volonté de protéger leurs populations ; et encore moins le pouvoir d’encadrer les entreprises.

Slovar : Vous citez de très nombreux exemples de délocalisations aux Etats Unis et les dégâts irréversibles qu'elles ont produit. Pensez-vous que ce "massacre industriel" soit en marche en Europe ?

EL : Le célèbre prix Nobel d’économie, Paul Samuelson, est sorti de son silence en 2004 et ses propos ont fait voler en éclats les arguments des pro délocalisations. Il démontre que « des pays à bas salaires comme la Chine ou l’Inde, qui augmentent rapidement leur potentiel technologique, ont la capacité nécessaire pour changer les termes actuels du commerce avec les Etats Unis, et aussi avec l’Europe. Le nouveau marché de travail, ajoute-t-il, aboutit à des rémunérations plus faibles. ». Il explique que les délocalisations ont un effet négatif sur le secteur des services et conduisent les ingénieurs et les programmeurs à accepter des baisses de salaires ou à se résigner au chômage. Il y a, aux Etats Unis, des programmeurs hautement qualifiés acceptant de travailler pour l’équivalent des salaires indiens. Le « massacre industriel » que vous évoquez dans votre question a déjà eu lieu aux Etats Unis, se déroule en France et en Europe, mais touche massivement aussi le secteur des services. Les entreprises sont dominées par un seul objectif: celui du profit à court terme doublé d’un mépris croissant pour les salariés.

Slovar : Vous mettez, à plusieurs reprises, en cause le transfert de technologies dans votre livre, notamment celui à direction de la Chine. Va t-il détruire définitivement les dernières industries de pointe française ? Et n'est ce pas la pire des délocalisations ?

EL : Désormais la mondialisation s’est retournée contre nous et nous ne disposons plus d’aucune carte maîtresse. En délocalisant massivement en Chine et en Inde, les entreprises occidentales sont tombées dans un piège qui se referme désormais sur elles. Face à un occident imprévoyant, la Chine a depuis longtemps anticipé chaque étape de sa stratégie : elle a d’abord ciblé des … d’emplois occidentaux et après les avoir obtenu, elle exige des transferts de technologies, puis l’accès à la recherche et au développement de ces sociétés. Pour Pékin, racheter des firmes occidentales est parfaitement superflu puisqu’elles acceptent d’opérer ces transferts et de se laisser piller. En agissant ainsi les sociétés occidentales n’hypothèquent pas seulement leur avenir, elles programment leur suicide.

Slovar : Nos dirigeants économiques et politiques nous affirment que nous ne pouvons nous en sortir que par la recherche et le développement. Or d'après vous, les laboratoires d'Asie sont déjà en avance par rapport à nous. Cela signifie t-il qu'il est déjà trop tard ?

EL : Deux données expliquent la gravité de la situation. En 2000 le sommet européen de Lisbonne avait décidé que chaque pays consacrerait 3 % de son PNB à la recherche et au développement pour faire de l’Europe la région la plus moderne te la plus innovante au monde. Onze ans plus tard, c’est un échec absolu aucun pays européen n’a respecté ses engagements et le seul pays qui ait appliqué activement la stratégie de Lisbonne, c’est la chine dont les centre de recherche ne cessent de se développer tandis qu’en même temps il accueille les centres de recherches et de développement mondiaux des plus grandes entreprises mondiales. En agissant ainsi l’Europe a signé son arrêt de mort industriel et technologique face à une Asie dont la montée en puissance traduit probablement un nouveau basculement du pouvoir et de la richesse au niveau planétaire comme il s’en produit tous les deux ou trois siècles. Jusqu’en 1825 l’Asie représentait 65 % du PNB. Ensuite la domination et passé à la grande Bretagne, puis au début du vingtième siècle aux Etats Unis. Nous assistons désormais à un véritable glissement vers l’ouest, et à un retour du statut quo. Au fond la domination occidentale n’aura peut-être duré qu’un siècle et demi.

En toute honnêteté, croyez-vous que nos gouvernants et les élus de la nation aient la possibilité d'empêcher les délocalisations ? Et si oui que devraient-elles entreprendre ?

EL : Les responsables politiques pratiquent une véritable omerta en ce qui concerne cet enjeu, alors que depuis quinze ans, le lien de confiance avec la société s’est peu à peu distendu jusqu’à se rompre totalement. Une part croissante de l’opinion se sent totalement impuissante face à la passivité des responsables politiques. Or tout système vacille lorsqu’il apparaît comme trop injuste à ses citoyens. Les entreprises du CAC 40 viennent de réaliser des bénéfices de 80 milliards de dollars. Or, sur l’autre versant elles ont fait passer leurs effectifs en France de 50% à 28%. Il faut savoir que toute entreprise qui délocalise ne détruit pas seulement des emplois mais aussi de la richesse nationale. L’argent qu’elle soustrait en réalisant à l’étranger des bénéfices qu’elle ne rapatrie pas, compromettant le financement des systèmes de santé, d’éducation…

Il faudrait si elle décide de délocaliser qu’elle en paye le prix à la collectivité en acquittant une indemnisation prélevée sur les bénéfices qu’elle réalise en France. Une telle démarche est politiquement réalisable et n’entraverait nullement la compétitivité de ces firmes.

Aux Etats Unis, les fonds spéculatifs s’indignent d’être imposés à 15%, s’ils l’étaient à 40% ils ne partiraient pas pour autant. Faut-il rappeler que la prospérité sans précédent des Etats Unis dans les années 50-60 s’accompagnait d’une taxation sur les hauts revenus qui pouvaient atteindre jusqu’à 90%.

Slovar : Que souhaitez-vous ajouter ?

EL : Le constat peut paraître alarmant, mais je pense que la réalité en terme de délocalisation est encore réversible. Mais je crois qu’il est fondamental que l’opinion soit informée sur ce phénomène volontairement occulté par les responsables politiques et le monde des affaires.
Je terminerais par une question en forme de boutade : Connaissez vous la différence entre un pessimiste et un optimiste ? Réponse : un pessimiste est un optimiste mieux informé…

Merci Eric Laurent

Bibliographie
Le scandale des délocalisations Editions Plon
Blog d'Eric Laurent
Crédit photo
Editions Plon



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