27 janvier 2023

Pénuries de candidats : aux entreprises de se remettre en question !

Le gouvernement et les organisations patronales hurlent à la pénurie de candidats dans certains métiers ou branches d'activité en oubliant de reconnaître que celle-ci est directement liée à des conditions de travail difficiles ou de faible rémunération. 

 

Souvenez-vous, il y a encore peu de temps, vous aviez beau envoyer des tonnes de CV aux entreprises, vous ne receviez au mieux qu'un message laconique de refus et le plus souvent aucune réponse. À la même période, les CDD de courte durée étaient légion et le montant des salaires à son plus bas niveau. Aujourd'hui, si vous écoutez nos gouvernants et les organisations patronales, ceux-ci ne parlent plus que de pénurie de candidats. 

 


Pénurie à comparer toutefois avec les chiffres du chômage au quatrième trimestre 2022 : « … le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C) s’établit à 5 113 400... »

Si nous excluons les éternels moutons à cinq pattes du type : data scientists, analystes des données ou plus exotique : les métiers du metavers, quels sont les secteurs les plus demandeurs ?

Prenons comme référence un dossier réalisé en 2022 par France Bleu et France 3. Extraits : « En dehors des emplois saisonniers, les métiers les plus recherchés sont les métiers des services aux entreprises, comme les agents d’entretiens de locaux, les ouvriers non qualifiés de l’emballage et les manutentionnaires. Les métiers de l’hôtellerie-restauration ainsi que ceux du soin et de l’accompagnement, notamment les aides à  domicile et aides ménagères, sont également très recherchés  »

Pour mémoire, France Info publiait en 2013 l'article suivant : « Les métiers en tension d'ici 2015 »

Quels étaient-ils ?

« Hôtellerie, restauration, aide à domicile, commerce : cette France qui recrute ... En tête : les assistantes maternelles et aides à domicile, les agents de service et d'entretien … » Ce à quoi on peut ajouter : les transports et le BTP

En résumé, le temps passe mais certains métiers continuent d'être fuis. Les raisons ? Elles sont connues : horaires décalés, délirants ou partiels, accélération des cadences, manque de respect et salaires trop faibles. Ajoutons à cela les difficultés de vieillir dans ces métiers où plus qu'ailleurs l'usure professionnelle est la règle. Et bien que notre Président n'aime pas le mot pénibilité, c'est pourtant bien ce mot qu'il faut utiliser le tout sur fond de report de l'âge de la retraite à 64 ans.

Pénurie de candidats ? Oui, vous répondront les entreprises mais surtout de candidats : « jeunes, flexibles, mobiles et bien formés ». Et les seniors expérimentés dont les entreprises se sont séparés en utilisant des ruptures conventionnelles individuelles puis collectives ? Il sont encore nombreux ces 55 ans à 60 ans à galérer pour trouver un emploi.

Car ne nous voilons pas la face, si les entreprises pleurent misère, on ne peut pas dire qu'elles sont très motivées à l'idée conserver ou d'intégrer des seniors à l'effectif. Nous en avons pour preuve la dernière intervention de Dominique CARLARC'H la porte parole du MEDEF qui déclarait  : « Nous savons qu'il faut que nous nous attelions à la question de l’emploi des seniors, parce que, mise à part la crise de l'énergie, un de nos principaux problèmes c'est le recrutement » Comme par hasard, cette déclaration fait suite à des menaces de sanctions sur l'emploi des seniors dans le cadre du passage à 64 ans que le MEDEF, notamment, a soutenu.

Bref, en attendant que les organisations patronales et leurs adhérents veuillent bien se pencher sur l'avenir professionnel des seniors, une certitude : la pénurie de candidats va continuer de façon durable, quel que soit le contexte économique. Le monde a changé. Le dialogue social façon : « mon bureau vous est toujours ouvert … mais là j'ai pas le temps » n'est plus une réponse. Les conditions de travail et la considération sont aujourd'hui, pour les salariés, aussi importantes que la rémunération.


24 janvier 2023

Retraite et index seniors  : cynisme ou foutage de gueule  ? Les deux mon capitaine !

 L'emploi des seniors en France est parmi les plus faibles des pays de l'OCDE. Alors que le chômage fait rage dans cette partie de la population en fin de carrière le gouvernement vient de dégainer sa solution  : un index seniors.

C'est un chiffre que plus personne ne conteste  : 65 % des travailleurs âgés de 60 à 64 ans ne sont plus dans l'emploi. La très grande majorité est au chômage avec, pour les mieux lotis les indemnités de l'assurance chômage et pour un certain nombre d'autres le RSA.



Lorsqu'on évoque la situation de l'emploi des 50 ans et plus avec les organisations patronales, favorables, rappelons-le, au report de de l'âge de départ à la retraite à 64 ans on obtient en général un florilège de lieux communs que j'ai déjà évoqué dans un billet de 2014

Ils sont plus sujets que les autres aux maladies : Cet argument est aussi sordide que celui qui consiste à éliminer des femmes jeunes au fait qu'elles ont des enfants en bas âge ou qu'elles pourraient être enceintes. En gros un plus de 50 ans ça risque plus de pathologies lourdes qu'un jeune. C'est, nous l'ont affirmé des employeurs ou DRH, sous le sceau du secret, un critère d'élimination fréquent.

Ils ont des prétentions salariales trop importantes : C'est dommage pour les employeurs, mais jeune avec 20 ans d'expérience, ça n'existe pas encore. Et l'expérience, ça a un prix. Toutefois, essayez si vous êtes un senior au chômage de proposer de travailler au SMIC (ça été mon cas) pour redémarrer, vous verrez vite que l'objection du salaire élevé n'était qu'une allégation mensongère.

Ils ne maîtrisent pas les outils de communication modernes : C'est de moins en moins vrai ! En effet, l'utilisation des nouvelles technologies est de plus en plus répandue en entreprise et les 50 ans et plus les utilisent aussi bien à titre professionnel que personnel (ordinateurs, tablettes, smartphones). En admettant que certains employés ne soient pas parfaitement familiers des nouveaux outils de communication, rien n'empêche de les former ! Encore une fois, il s'agit d'une allégation mensongère

Face à ce blocage, que propose le gouvernement  ?

Un "index senior" qui calculerait par entreprise le taux d'emploi des plus de 60 ans comme nous l'explique le site de BFM. Comment cela fonctionnerait-il  ?

«  ...Cet index mesurerait l'évolution des embauches et de l'emploi des seniors dans l'entreprise, mais sans être contraignant comme l'index de l'égalité professionnelle, qui peut donner lieu à des pénalités financières allant jusqu'à 1% de la masse salariale. Une manière de pointer les bons et les mauvais élèves sans les sanctionner en bonne et due forme. La locataire de Matignon demande tout de même aux "entreprises, de se saisir (du) sujet" de l'emploi des seniors et demande aux employeurs redonner de "toute leur place aux seniors" dans leurs entreprises … » Ajoutons que cet index ne serait applicable qu'aux entreprises de plus de trois cent salariés ce qui exclut la très grande majorité des entreprises.

En résumé : un machin pour lequel les plus grandes entreprises obtiendront des dérogations auprès de Bercy dans la mesure où le MEDEF a d'ores et déjà hurlé à la mort à l'annonce de la création de l'index. La CPME de son côté rayonne de bonheur puisque les TPE/PME seront exclues du dispositif.

Devant un tel gadget, les syndicats de salariés ainsi que nombre d'économistes sont montés au créneau pour expliquer qu'on ne pouvait pas se contenter d'une telle mesurette face à un problème qui touche et va toucher ceux à qui on va demander de travailler jusqu'à 64 ans et plus.

Devant le tollé, le gouvernement a communiqué sur le sujet indiquant : ouvrir « ...la porte dimanche à des mesures plus « coercitives » afin de favoriser l’emploi des seniors dans les entreprises ... »

Ok, quand et de quel ordre ?

C'est l’inénarrable porte parole du gouvernement, Olivier VERAN qui a apporté les premières réponses : « Mais pourquoi pas », a répondu dimanche le porte-parole du gouvernement Olivier Véran sur BFMTV. « Vous savez que nous ne sommes pas sur une ligne coercitive de but en blanc, on a plutôt tendance à faire confiance aux gens. Mais s’il faut qu’on mette en place des garde-fous pour assurer que les seniors ont toute leur place dans l’entreprise ... »

De son côté, Gabriel Attal a fait les gros yeux : « C’est quand même fort de café que la France soit un pays dans lequel on ne reconnaîtrait pas à des gens qui ont de l’expertise, de l’expérience, du savoir faire et ont envie de bosser cette capacité à le faire valoir »

Et ? Réponse rien ! Les entreprises si promptes à défendre le « travailler plus longtemps » vont donc pouvoir continuer à tourner le dos aux salariés et chômeurs âgés sans aucune obligation ou sanction. Les organisations patronales vont pouvoir continuer à nous parler de la « valeur travail » et des restrictions qu'il faut apporter à l'indemnisation des chômeurs compte tenu de la pénurie de candidats dans des emplois ... où les seniors n'ont pas leur place.

Du cynisme ou du foutage de gueule ? Les deux mon capitaine.


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Man Dessinateur