31 mai 2013

Restaurants & restaurateurs : Réchauffeurs de plats ou cuisiniers ?

La majorité des syndicats patronaux de la restauration s'opposent à ce que le terme restaurant soit réservé à ceux qui ne servent à leurs clients que des assiettes cuisinées sur place à partir de produits bruts. Ce qui en dit long sur leur vision de la gastronomie et l'artisanat de bouche !


La France pays de la gastronomie que le monde nous envie ! C'est en général le cri de guerre des Chefs, des critiques gastronomiques et de quelques élus épris de terroir. Sauf que lorsqu'on interroge les clients des milliers de restaurants français, beaucoup ont la sensation que ce sont surtout les industriels de l'agroalimentaire qui sont à l'origine du repas à base de « produits frais » qu'ils ont parfois payé fort cher ... 

Pour s'en rendre compte, il est intéressant de lire une récente étude Opinionway citée par L'Express qui positionne bien le débat qui est en train de monter dans le mileiu des restaurateurs : « (...) moins de deux Français sur trois disent faire confiance aux restaurateurs pour favoriser les produits locaux, les produits de saison (...) 82% estiment que l’utilisation par des restaurants de produits industriels est incompatible avec ce qu’ils attendent d’un restaurant (...) Un autre pas vers la qualité que les Français soutiennent massivement, c’est la création d’un statut garantissant que les plats sont cuisinés sur place : 96% d’entre eux jugent que ce serait une bonne chose (...) »

Précisons que cette étude a été commandée, si l'on en croit le document, par l'UIMH, qui avec six organisations professionnelles de l'hôtellerie-restauration (dont les fast food) sont opposées à la création d'une appellation « restaurant » et « restaurateur » dont  seuls bénéficieraient les lieux où le repas est cuisiné sur place à partir de produits bruts !

C'est quoi le problème ?

Un des syndicats de restaurateurs, le SYNHORCAT a décidé de mettre le feu à la profession. Il écrit sur son blog : « (...) le SYNHORCAT se bat depuis plusieurs mois pour que l’appellation « restaurant » » soit protégée par la Loi (...) » Précisant au passage qu'il est à l'origine d'un : « (...) projet d’amendement que nous avons rédigé et présenté à notre ministre de tutelle, Madame Silvia Pinel, ainsi qu’à de très nombreux parlementaires (...) » qui définit que : « (...)  un restaurant c’est un lieu où l’on sert à la clientèle des plats cuisinés sur place à base de produits bruts (...) » Et le SYNHORCAT de donner cet exemple : « (...) A l’instar des boulangers dont la qualité du pain s’est développée avec la protection de l’appellation « boulangerie », la protection de l’appellation restaurant tirera notre profession vers le haut (...) »

Au delà d'un très probable règlement de compte entre organisations syndicales qui remonte à la création du SYNHORCAT dont la vocation était de contrebalancer l'influence de l'UIMH, il faut effectivement s'interroger sur la définition d'un restaurant !

Selon l'UIMH et les syndicats GNC, SNARR, SNRPO, SNRTC et CPIH (voir descriptif ) , qui représentent également les fast-food, les chaînes d'hôtels, les cafétérias et les chaînes de restaurants : « un restaurant est un établissement où l'on sert des repas moyennant paiement ».  Ce que confirmait sans le moindre complexe Roland Héguy, le président de l’Umih, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, seuls 20 000 points de vente de restauration, sur les 120 000 de France, travaillent avec le frais.

On est bien loin de l'image du restaurateur se rendant chez ses fournisseurs de produits frais ou accueillant son petit maraîcher de bon matin, ainsi qu'aiment nous le montrer les émissions de télévision.

On notera au passage que la proposition du SYNHORCAT présente des similitudes étonnantes avec le statut de maître restaurateur. En effet, l'obligation est faite aux quelques 2700 restaurateurs labellisés de : « n'utiliser que des produits bruts de qualité et une cuisine élaborée sur place ». Seulement, cette fois-ci, c'est l'appellation restaurant qui serait retiré à tous ceux qui ne respecteraient pas les termes indiqués par le SYNHORCAT. 

Ce qui priverait toutes les chaînes disposant d'une cuisine centralisée, tous les fast food (qui utilisent des viandes surgelés), les pizzeria qui achètent leur pâte aux industriels et tous ceux qui sont des spécialistes de la tarte au citron ou du tiramisu maison fabriqués par ... des industriels (voir le catalogue Relai d'or Miko), du panneau restaurant.

C'est pourquoi L'UMIH, et les syndicats GNC, SNARR, SNRPO, SNRTC et CPIH qui affirment être des défenseurs du goût à la française s'opposent vigoureusement au projet. Au travers d'ailleurs d'arguments assez étonnant : « (...) cette nouvelle appellation restrictive risquerait « de créer une complète confusion dans l'esprit du public, des clients et surtout des touristes internationaux » et bien entendu, s'adressant au gouvernement, brandissent l'inévitable couplet  de l'emploi : « (...) l'usage restrictif du mot « restaurant » aurait « des conséquences dramatiques en termes d'emplois, notamment chez les jeunes » alors qu'un quart des 700 000 salariés du secteur a moins de 25 ans »

En revanche écrit Le Parisien : « (...) les six organisations syndicales sont favorables à la création d'un statut d'« artisan-restaurateur » allant dans le même sens, et discuté en ce moment à Bercy » et qui risque d'être un épiphénomène au même titre que les maîtres restaurateurs quasiment inconnus, à ce jour, de la population française.

En attendant, on pourra toujours sourire en écoutant les Chefs, les critiques gastronomiques et quelques élus épris de terroir nous parler de la France pays de la gastronomie que le monde nous envie, tout en évitant d'être naïfs sur le contenu et le prix des assiettes ... de la restauration française.



Bibliographie


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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très, trop souvent déçu, nous n'allons quasi plus au restaurant.
Le budget "resto" sert, maintenant, à acheter des denrées couteuses qui nous permettent de nous régaler.
Nous n'avons pas vocation a engraisser des sous traitant de chez Metro et autres surgeleur.
Tant pis pour eux, ils l'ont bien cherché, l'argent facile c'est fini !

DJM de Cambrai a dit…

(...)seuls 20 000 points de vente de restauration, sur les 120 000 de France, travaillent avec le frais.

Quel désenchantement !
(je plaisante)