15 juillet 2009

Baisse de la TVA dans la restauration : le bal des gogos !

Le 30 juin 2009, Christine Lagarde se rendait en coup de vent dans un restaurant proche de son ministère pour glorifier la plus belle réussite du gouvernement : La baisse de la TVA pour les restaurateurs.

"Profitez-en", lançait-elle à des clients attablés au Clos Bourguignon, un bistrot du centre de Paris, première étape d'une visite express à l'heure du déjeuner dans quatre établissements du quartier Opéra/Grands Boulevards.

Belle mise en scène : "Ce petit restaurant traditionnel affiche des baisses de prix conformes aux engagements de la profession en contrepartie du passage de la TVA de 19,6 à 5,5% (sauf pour les alcools) dans le secteur. Pour le déjeuner, la carte affichait des baisses d'environ 12% sur deux entrées, deux plats, deux desserts et l'eau minérale. "Sept produits, promesse tenue", a souligné le patron, Louis Deconquand, devant la ministre"

Très en verve, elle ajoutait : "C'est bien que tout le monde joue le jeu, les grands fleurons, les petits restaurants, les groupes, les indépendants", expliquait-elle au Café de la Paix, restaurant huppé de la place de l'Opéra. Elle s'était également "rendue à l'Hippopotamus du boulevard des Capucines puis au Quick, l'enseigne de restauration rapide qui a aussi baissé le prix de son menu phare le Giant" - AFP/Google

Rappelons quand même que la baisse de la TVA a été obtenue par les restaurateurs qui s'offusquaient que les vendeurs de hamburgers soient soumis à à un taux de 5,5% alors qu'eux subissaient un taux de 19,6%

Or, rien qu'à Lyon : "Mc Donald's dont la TVA était déjà à 5,5%. Deux menus sont concernés : le Best of Big Mac et le maxi Best of Big Mac qui coûteront 50 centimes de moins désormais. Chaque enseigne pourra également baisser une demi douzaine de produits" - Source Lyon Capitale

"... / ... Du côté de la restauration rapide, on se frotte les mains. Depuis sa création, Mc Donald appliquait déjà la TVA à 5,5 %. Mais uniquement sur les ventes à emporter. À présent, toutes les ventes sont alignées sur la même taxe. Dominique Sulletti est le gérant des quatre Mc Do de Mont-de-Marsan et de Dax. « Grâce à cette marge, nous allons pouvoir refaire entièrement l'un des établissements de Mont-de-Marsan d'ici 2010 ». Du côté du personnel, des augmentations de salaire sont en négociations. - Source Sud Ouest

Du côté de la restauration classique, on déclarait : "Nous allons déployer une politique de prix très agressive qui ira bien au-delà des engagements du contrat d'avenir. C'est de la relance commerciale", annonçait Dominique Giraudier, le président de Flo, très fier de remettre sous la barre des 2 euros le café à Hippopotamus"

Bel enthousiasme qu'il fallait modérer, comme le faisait remarquer Challenge : "La baisse des prix promise succède à une période de nette inflation. L'indice des prix de la restauration s'est envolé de 27% depuis 2000, bien plus que l'indice général des prix à la consommation. D'une manière générale, les prix alimentaires sont plus sages que les additions de restaurants. Les marges réalisées par les professionnels sont d'autant plus importantes qu'ils ont revu à la hausse les prix de produits sur lesquels ils n'apportent pas de valeur ajoutée, comme le café en fin de repas, qui a bondi de près de 28% depuis 2000"

Mais que s'est-il passé, depuis qu'Hervé Novelli, a eu droit ,à une standing ovation de "plusieurs minutes" au Château Ricard, à Clairefontaine-en-Yvelines, où, quelque s300 chefs et patrons de restaurants pour participaient au banquet annuel de "La Petite Ferme parisienne", l'un des plus gros fournisseurs de produits laitiers de Rungis ?

Photo : Le Chateau Ricard - Source Wikimedia

Et bien, le Groupe Flo, vous savez celui qui était : "très fier de remettre sous la barre des 2 euros le café à Hippopotamus" semble modifier la stratégie annoncée au début de l'annonce de la baisse de la TVA

Groupe Flo, propriétaire des enseignes Hippopotamus, Bistro Romain, Brasseries Flo ou encore Maître Kanter, estime que la baisse de la TVA devrait lui permettre de rattraper au second semestre le manque à gagner du premier, a indiqué le président du directoire du groupe, Dominique Giraudier, dans une interview à Reuters - Source Yahoo/Reuters

Du côté des indépendants, même son de cloche : " Dans une addition, 50 % du chiffre d'affaires n'a pas baissé car dans un repas il y a forcément les boissons alcoolisées qui sont restées au même prix. En revanche, toutes les aides ont été supprimées et là, il faudra voir l'influence sur nos marges. on préfère attendre « pour aller plus loin dans la démarche avec une baisse encore plus prononcée ou rectifier le tir" - Source La Voix du Nord

Bon, ça c'est pour la baisse des additions des consommateurs. Mais, alors les emplois promis par les restaurateurs ?

Groupe Flo vient d'annoncer la renégociation de sa dette avec ses créanciers et le lancement d'une augmentation de capital pour 20 millions d'euros. Il va également céder une partie des Bistro Romain et devra consacrer 60% du fruit de ces cessions au remboursement anticipé de sa dette. Le groupe met aussi en place une nouvelle planification visant à recourir au temps partiel à hauteur de 30-35% à terme. "On a quand même réduit notre effectif de 800 personnes. Nous sommes à une dizaine de pourcents de temps partiel utilisé, l'objectif étant de monter à 30-35%", a-t-il précisé. - Source Le Point

Alors, quelle est vraiment la situation quinze jours après les annonces du gouvernement et de sa majorité parlementaire ?

Comme l'indique Les Echos : Chaque établissement a défini ses priorités, sans tenir compte des engagements au plan national. Remplacement de matériel par-ci, embauche d'un employé à mi-temps par-là, légère baisse des prix ailleurs : chaque établissement a défini ses priorités, sans tenir compte des engagements au plan national (voir article ville par ville)

Ce qui amène le journal à titrer : "Baisse de la TVA dans la restauration : la répercussion dans les prix n'est pas au rendez-vous chez les indépendants" et "Promesse non tenue"

" .. / ... Quinze jours après la mise en application du taux de TVA réduit de 5,5 % au service de restauration à table, la baisse des prix est loin d'être effective chez les restaurateurs indépendants qui invoquent les charges élevées et la hausse des matières premières ... / ...

L'Etat " vigilant " et le consommateur " arbitre " : deux semaines après la mise en application du taux de TVA réduit de 5,5 % au service de restauration à table - les alcools ne sont pas concernés -, le credo de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, apparaît plus que jamais nécessaire. Si, d'entrée, les chaînes de restauration ont montré leur volonté de " jouer le jeu ", la baisse des prix - l'un des trois engagements figurant au " contrat d'avenir " conclu le 28 avril dernier entre les organisations patronales de l'hôtellerie-restauration et le gouvernement - paraît pour le moins très contrastée, voire inexistante chez les indépendants.

... / ... Pour sa part, Christine Pujol, la présidente de l'Umih, la principale organisation patronale, constate une mobilisation " très disparate ", en l'absence d'études. Espérant son renforcement, elle précise qu'elle y verra plus clair en septembre, son organisation devant se doter d'outils statistiques auprès de deux organismes indépendants. En outre, elle rappelle que le patronat, qui a multiplié les réunions d'information, ne représente que " un peu plus " de un restaurateur sur deux.

Autre fait important qui remonte du terrain : la répercussion intégrale de l'abaissement du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % - soit une réduction réelle de 11,8 % environ -, sur au moins 7 de 10 familles de produits (entrée, plat chaud, plat du jour, dessert, menu entrée-plat, menu plat-dessert, menu enfant, jus de fruits ou soda, eau minérale et café, thé ou infusion) est loin d'être effectif.

Enfin, et le patronat le reconnaît, les restaurateurs ne prisent guère les affichettes faisant état de la baisse des prix. La pose des vitrophanies suscite notamment la crainte des contrôles de la DGCCRF.

Ben voyons !

Que déclarait le "célèbre" André Daguin qui inlassablement harcelait Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy au nom de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière ?

Nous vous proposons, de voir ou revoir, une interview d'André Daguin, sur le sujet de la baisse de la TVA et de ses futurs effets


Pour ceux qui apprécient les anecdotes, il est à noter que Monsieur Daguin qui a quitté la présidence de l'UMIH est à présent, membre Conseil économique et social : "nommé par un décret pris en conseil des ministres sur le rapport du Premier ministre". Il n'étonnera personne que l'adresse qu'il fournit sur sa fiche du site du CES mentionne : bureau : UMIH - 22 rue d'Anjou - 75008 Paris. Lobbying quand tu nous tiens ...

Une chose est sûre, au delà des discours enflammés des ministres et du plus que probable rattrapage progressif des prix dans quelques mois : " ... / ... Au total, la baisse de la TVA représentera un manque à gagner annuel de 2,5 et 3 milliards d’euros pour l'Etat. Logiquement, Bercy a demandé des contreparties : une baisse des prix de 11,8% sur au moins sept produits dans chaque restaurant, une revalorisation des revenus des 850 000 salariés du secteur, et la création de 40 000 emplois. Le «contrat d'avenir» signé avec les restaurateurs s'apparente à un plan de relance. A condition que ces derniers jouent le jeu.

Or, avec la période estivale et après des mois de crise, la tentation sera grande de glisser la manne de la TVA dans la poche. "Les grandes chaînes de restauration souffrent comme jamais, des enseignes vont disparaître, et l'on constate une hausse de 40% des défaillances d'entreprises chez les petits indépendants, dans un secteur qui détient déjà le record de mortalité des entreprises», souligne Bernard Boutboul, du cabinet Gira Sic Conseil ... /.... " Source Challenge

Le bilan précis de la baisse de la TVA sera fait dans quelques mois. A ce moment, plusieurs conclusions pourraient bien être tirées.

Un : la mesure a changé de sens économique en cours de route, le soutien à la trésorerie des restaurateurs, qu'ils en aient besoin ou pas, se substituant à la baisse des prix.

Deux : le coût de cette décision, dont l'objectif était surtout de prouver la fiabilité des promesses politiques, reste très onéreux.

Trois : le résultat paradoxal est que la mesure devait soutenir la restauration indépendante et traditionnelle face aux chaînes et à la restauration rapide. Ce sont ces derniers qui pourraient être les grands gagnants de l'opération.
- Source Les Echos

C'est certain que c'est moins glamour que le show de Johnny Halliday ou Carla Sarkozy jouant à "tante Yvonne" devant Jean-Claude Narcy. Extrait : "Nous passons nos week-end à l'Elysée avec les enfants. On a une vie tout à fait familiale. Évidemment, c'est un cadre tellement exceptionnel et magnifique, que je me sens toujours un peu invitée ici. [...] Nous y venons le week-end et le reste du temps, nous sommes dans notre maison."(Source Pure People), mais révélateur des priorités et de l'état d'esprit du Président, de son gouvernement et de sa majorité présidentielle godillots !

Au fait : La proposition de loi sur le travail du dimanche, qui a donné lieu à d’importantes polémiques, est soumise au vote des députés aujourd’hui. Dans les 500 communes touristiques ou grandes zones commerciales concernées, le texte ne prévoit aucune compensation : ni repos décalé, ni rémunération majorée. - Source France Info

Et :

A Châtellerault, les "Fabris" menacent de faire sauter leur usine pour 30 000 euros et Les "Nortel" des Yvelines se proposent d'en faire de même et réclament 100.000 euros par personne licenciée

Ne dit-on pas que Louis XVI écrivait dans son journal personnel, au soir du 14 juillet 1789, cette phrase cultissime : " Aujourd’hui, rien " ...

Crédit photo
VOILA



1 commentaire:

cpolitic a dit…

Effectivement ça calme. Belle enquête. Autant on avait vu le foutage de gueule, avec les prix pratiqués dans les restos qui n'ont globalement pas bougés du tour, autant là on sait pourquoi ;-)