13 janvier 2010

Confiance politique des français : "dis c'est quand qu'on va où ?"

Les français ne croient plus que la politique puisse changer leur vie !

C'est du moins ce que nous explique un sondage réalisé par la Sofres pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), Edelman et l’institut Pierre Mendès France.

Longtemps, les français ont cru que le droit de vote apporté par la démocratie républicaine permettrait de changer le cours de leur vie. En d'autres temps, on identifiait la droite à la défense des intérêts des maîtres de forges et celle de la gauche à la défense de leurs ouvriers.

Aujourd'hui, semble t-il, ils sont particulièrement désenchantés et ne croiraient plus dans le rôle du politique pour changer leurs vies

Dans l'esprit des gens, le clivage gauche/droite devrait être une réalité ! Or, les privatisations effectuées par la droite comme la gauche ont brouillé les esprits et surtout fait perdre à l'Etat son droit sur les choix économiques et sociaux.

Si la droite s'est convertie à l'interventionnisme, c'est uniquement à cause de la crise économique, résultant de l'application des préceptes économiques ultra libéraux, qu'elle a défendue depuis toujours. La gauche d'alternance, elle, s'est doucement convertie à l'économie de marché et à lentement dérivée vers la sociale démocratie qui ressemble par trop à une simple adaptation, voir à quelques retouches du capitalisme !

Quelle n'est pas la surprise du sympathisant socialiste, découvrant, par exemple, que Manuel Valls soutien l'initiative du gouvernement de droite concernant l'allongement de la durée de cotisation pour obtenir sa retraite !

Quelle n'a pas été son indignation de voir que les élus socialistes ne se trouvaient pas aux côtés des salariés désespérés occupant leurs usines et prêts à les faire sauter !

En fin de compte, au lieu de clivages, ils sont bien obligé de constater que la gauche qui pourrait aspirer à l'alternance ressemble de plus en plus aux "partis travaillistes" du monde anglo saxon ou aux socio démocrates nordiques.

Or, la particularité de ces partis est de se focaliser sur la régulation des faits de société ou la gestion des revendications minoritaires. Mais surtout de ne jamais être un véritable régulateur interventionniste dans les domaines social et économique !

Les français, ne se font par ailleurs aucune illusion, sur les autres partis ou formations politiques, qui justifient leur existence et leur ambition de les gouverner, en leur expliquant qu'ils représentent : "Une nouvelle façon de faire de la politique" !

Pour en revenir au sondage dont : "l'échantillon national de 1.500 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, et inscrite sur les listes électorales, interrogées par téléphone fixe et mobile " porte le nom de : "baromètre de la confiance politique" on apprend, si l'on en croit le résumé fait par Libération que :

"Les deux tiers des Français (67%) n’ont confiance ni en la droite ni en la gauche pour gouverner le pays Seules 14% des personnes interrogées ont «confiance dans la gauche pour gouverner le pays» et 16% «ont confiance dans la droite». 3% sont sans opinion. Selon le directeur du Cevipof, Pascal Perrineau, la gauche ne profite pas de son statut d’opposition, la confiance étant même plus forte à droite qu’à gauche.

Par ailleurs, plus des trois quarts des Français (78%) considèrent que «les responsables politiques, en général, se préoccupent peu ou pas du tout de ce que pensent les gens», contre 22% qui pensent au contraire que les responsables politiques s’en préoccupent «beaucoup ou assez».

Le baromètre souligne un succès de la décentralisation puisque le niveau local échappe à la défiance générale: 69% des personnes interrogées font confiance au conseil municipal, 65% au conseil général et 65% au conseil régional. En revanche ils sont 55% à ne pas avoir confiance en l’Union européenne, 64% dans l’Assemblée nationale, 65% dans l’institution présidentielle, et 68% dans le gouvernement.
De la même manière, 69% font confiance à leur maire, 62% à leur conseiller général, 59% à leur conseiller régional, et 58% à leur député. 51% ne font pas confiance à leurs députés européens, 58% au Premier ministre actuel, et 64% au président de la République"

Oui, mais avant d'en arriver là, il est important de lire les 87 pages de l'étude ! Car, à la lecture des questions, on s'aperçoit que les français ne réservent pas leur manque de confiance aux seuls politiques.

En effet : les autres, les entreprises, le marché, la mondialisation sont tout autant mis en cause. En clair, un évident manque de direction pour l'avenir, un peu comme le chantait Renaud : "dis papa c'est quand qu'on va où"



Extraits du sondage

LA CONFIANCE INTERPERSONNELLE - La confiance à l'égard des gens

On peut faire confiance à la plupart des gens .......... 21
On n'est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ...78
Sans opinion ..............................................................1

LA CONFIANCE A L'EGARD DES INSTITUTIONS

La confiance à l'égard des institutions : Totale confiance
Le conseil municipal % .................................................69
Le conseil général % .....................................................65
Le conseil régional % .....................................................64
L'Union européenne % ..................................................44
L'Assemblée Nationale % ..............................................35
L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) % ....35
L'institution présidentielle % ........................................34
Le Gouvernement % ......................................................31
Les conférences internationales, comme le G20 % ....30

La confiance à l'égard de différentes organisations ou institutions

Le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) % .90
Les hôpitaux % .............86
L'école % ........................83
L'armée % .....................75
Les associations % .......71
La police % ................... 71
L'administration % ..... 63
Les grandes entreprises publiques % ....... 60
La justice % .................................................. 60
Les Eglises % ............................................... 50
Les syndicats % ........................................... 47
Les grandes entreprises privées % .......... 43
Les banques % ............................................ 37
Les medias % .............................................. 27
Les partis politiques % .............................. 23

4 - LES MOYENS D’EXPRESSION PUBLIQUE
Total : Vous l'avez déjà fait - Vous pourriez en venir à le faire
Signer une pétition ..........................................92
Prendre part à une manifestation ................76
Participer à un boycott ...................................61
Adhérer à un syndicat ...................................58
Participer à une grève sauvage .....................40
Occuper des bureaux ou des usines ..............37
Ecrire quelque chose sur un blog ou participer
à une discussion politique sur internet ..........37

Etes-vous membre d'une ou plusieurs associations ?
Aucune ..............................................................66

L'honnêteté à l'égard de différents acteurs économiques - Total pas confiance

Les compagnies financières comme les banques ou les assurances ...........................59
Les plombiers, les artisans du bâtiment, les garagistes ou d'autres réparateurs ....28

A propos de la manière dont l'économie fonctionne aujourd'hui - Total d'accord

Les entreprises cherchent seulement à faire des profits, plutôt qu'à améliorer la qualité de leurs produits ou de leur service pour les consommateurs ....75
Les grandes entreprises s'entendent entre elles pour maintenir leurs prix à un niveau anormalement élevé ...................................................75

L'opinion à l'égard du système capitaliste - Personnellement, souhaitez-vous que le système capitaliste soit

réformé en profondeur .................................... 40
réformé sur quelques points ............................51
ne soit pas réformé .............................................6
Sans opinion .........................................................3

LA CORRUPTION
La perception de la corruption en France
Il y a plus de corruption qu'avant ....................26
Il y en a autant, mais on en parle davantage ..61
Il y en a plutôt moins ..........................................11
Sans opinion ...........................................................2

OUVERTURE / FERMETURE AU MONDE D'AUJOURD'HUI
L'ouverture de la France au monde d'aujourd'hui
… s'ouvrir davantage au monde d'aujourd'hui ............... 42
… ou se protéger davantage du monde d'aujourd'hui .....32
… ni l'un, ni l'autre ................................................................26

En clair : Les français se sentent abandonnés mais n'envisagent pas de s'engager personnellement !

Les français aspirent à trouver un chef, un leader ou un guide alors qu'ils devraient être les maîtres de leur destin. C'est très probablement le résultat de l'individualisme forcené qui gagne un peu plus chaque jour nos sociétés modernes. De plus en plus de français "consomment" la chose politique et sociale comme un service.

Comment peut-on, en effet affirmer être majoritairement capable d'adhérer à un syndicat, tout en étant méfiant à leur égard ?

Comment peut-on plébisciter les associations, lorsqu'on se limite à des dons sans jamais envisager d'en être membre ?

Comment reprocher aux entreprises leur politique de prix et de profits tout en étant 57% à penser que le capitalisme ne doit être que peu ou pas réformé et que les associations de consommateurs peinent à recruter ?

Alors, responsables de tout : les partis, les élus, les syndicats, les entreprises, les médias ? Probablement d'une bonne partie, mais, l'indifférence et le consumérisme politico social d'une majorité de citoyens ne risquent pas de faire bouger ou changer les choses ....

2 commentaires:

realworld a dit…

Excellent et très intéressant papier. Ce paradoxe sociétal, à mon humble avis, est transposable à toute l'Europe. Il suffit de voir nos institutions européennes ! C'est le règne de l'égoïsme ou la générosité n'est qu'un faire-valoir social plutôt qu'un art de vie. Chacun est d'accord avec tout le monde mais bonjour la honte si tu le fais savoir, participes à des rassemblements ou mouvements défendant ces idées ! Moi je ne suis pas un mouton, on me tond en dehors du troupeau, môssieur ! Ca fait longtemps que j'ai fait ce constat et donc je fais ce que j'ai à faire : je participe à toutes les grèves et manifs qui me concerne, je brûle mes tickets restaurants plutôt que de les donner aux restaurateurs qui se gavent de TVA; et comme les français sont pour la droite libérale sécuritaire qui casse les acquis sociaux, hors de question d'acheter la paix sociale en donnant à quelconque association ou faire acte de générosité. Je préfère encore cramer mon argent. D'ailleurs, sur conseil d'un ami, j'ai donné à l'UNICEF fin 2009 ce qui me permet de donner aux pays pauvres (du moins aux enfants qui n'ont rien demander a personne) sans aucun bénéfice pour mes compatriotes tout en faisant de l'évasion fiscale légale (car ces dons sont défiscalisés) qui réduit les recettes du gouvernement. Une sorte de désobéissance civile nouvelle génération.

devousamoi a dit…

Je vous invite à lire "la société de défiance", petit opuscule écrit par deux économistes libéraux Pierre Cahuc et Yann Algan qui proposent un diagnostic et des solutions. On peut ne pas être d'accord mais cela permet de réfléchir.(5 € à la FNAC)