03 août 2011

Prévention de la pénibilité : La formidable usine à gaz du gouvernement !

Après avoir porté l'âge légal de la retraite à 62 ans, le gouvernement a validé l'allongement de la durée de cotisation à 41,5 ans pour la retraite à taux plein. Il s'est montré plus discret sur le dispositif de prévention de la pénibilité. Et c'est bien dommage !

En juin 2010, Eric Woerth affirmait que la pénibilité du travail serait prise en compte pour un départ anticipé en retraite. Il qualifiait les propositions du gouvernement de : « droit nouveau dans le système de protection sociale et une avancée sociale absolument majeure »

Il s'en expliquait avec la « chaleur humaine » qu'on lui connaît lors d'une émission/chat de L'Internaute




Les conditions de ce départ anticipé ont été codifiées dans la Circulaire DSS, du 18 avril 2011 relative à la mise en œuvre de la retraite à raison de la pénibilité.

Extraits : « (...) La retraite à raison de la pénibilité est réservée aux assurés victimes d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail. Cette dernière notion s’entend stricto sensu, c’est-à-dire à l’exclusion des accidents de trajet, lesquels n’ouvrent pas droit à la retraite à raison de la pénibilité.

Pour prétendre au bénéfice de la retraite à raison de la pénibilité, les assurés devront justifier d’un taux d’incapacité permanente reconnu :

- soit au titre d’une maladie professionnelle ;
- soit au titre d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles
indemnisées au titre d’une maladie professionnelle (...) Le taux d’incapacité permanente requis devra être d’au moins 10 %. Lorsque ce taux sera au moins égal à 20 %, le droit à retraite sera ouvert sans autres conditions que la seule vérification, pour les victimes d’accidents du travail, de l’appréciation de la notion de lésions identiques.

En revanche, lorsque le taux sera au moins égal à 10 % et inférieur à 20 %, le bénéfice de la retraite sera subordonné :

- d’une part, au fait que l’assuré puisse apporter la preuve qu’il a été exposé, pendant au moins dix-sept ans, à des facteurs de risques professionnels ;
- d’autre part, à l’avis d’une commission pluridisciplinaire chargée d’apprécier à la fois la validité des modes de preuve apportés par l’assuré et l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels (...) »

En clair, à part les éclopés qui ne feront probablement pas de vieux os à la retraite, aucune possibilité de passer au travers des 62 ans même si vous êtes usé par le boulot !

A l'époque, les syndicats de salariés avaient fait part de leur opposition à cette individualisation de la pénibilité. D'autant qu'Eric Woerth leur avait annoncé que ce dispositif n'était : « pas ouvert à des salariés dont la santé n’est pas altérée mais risquerait de l’être plus tard » Précisant qu'il : refusait : « l’approche qui consisterait à fixer par avance une liste de métiers réputés pénibles »

Histoire de faire passer cette énorme pilule, le gouvernement instaurait : « un dispositif de prévention de la pénibilité »

On peut en trouver les modalités sur le site gouvernemental «Travailler Mieux » qui propose un kit « pédagogique » pour en comprendre le fonctionnement. « (...) Il a été préparé, par une équipe pluridisciplinaire placée sous l’égide de la Direction générale du travail, composée de juristes, de médecins, d’ingénieurs, et communicants, du ministère du travail de l’emploi et de la santé et des organismes de prévention associés au deuxième Plan de santé au travail (...) » Ouf !

Commençons par : « De quoi parle t-on ? »

Tout d'abord, un grand éclat de rire en lisant : « Ni la loi , ni les décrets ne parlent de « facteur de pénibilité ». Il est revanche question de « facteurs de risques professionnels ». Par commodité, les fiches de ce site parleront de « facteurs de pénibilité (...) »

S'ensuivent 29 fiches indiquant comment la loi définit la pénibilité jusqu'à la composition d'un « groupe de travail chargé de caractériser la présence et l’exposition à des facteurs de pénibilité au sein de l’entreprise ou du groupe » Une de fiches a néanmoins attiré notre attention. Il s'agit de : « Comment calculer l’effectif de référence de l’entreprise »

Car, en effet, comme le précise la page 14 d'un Power Point disponible sur le site : « L’entreprise a moins de 50 salariés : pas d’obligation de négocier ou d’élaborer un plan d’action » et surtout elle doit : « employer au moins 50% de salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité définis par la loi »

Et donc en fonction de l'effectif, il y aura ou non un plan d'action ! Alors comment va s'effectuer le calcul ?

Le site nous donne deux exemples

« (...) 15 intérimaires de trois mois, 2 CDD de huit mois et un CDD de 4 mois, comptent pour (15x3)+(2x8)+4, soit 69/12 soit 5,75 EQTP

Les salariés mis à disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure sont également comptés au prorata de leur temps de présence, mais à condition d’y être présent et d’y travailler depuis au moins un an.

Les salariés à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur temps de travail. On divise donc la somme totale des horaires inscrits dans leur contrat de travail par la durée légale du travail (ou la durée prévue par la convention collective de l’entreprise si elle est différente).

Exemple : 3 CDI à 25 heures hebdomadaires et 2 CDI à 31 heures, comptent pour (3x25/35) + (2X31/35), soit 3,91 unités. (Pour les temps partiels en CDD, il faut faire une application combinée des règles. 2 CDD de 4 mois travaillant 26 heures par semaine compteront pour (4/12) x 2 soit 0,66 x 26/35, soit 0,49 EQTP.

On notera au passage dans la rubrique « Seuils » que : (...) Les apprentis, les titulaires d’un CIE, d’un CAE ou d’un contrat de professionnalisation ne sont pas comptés (..) dans l'effectif

Calculs, vous l'avouerez, qui risquent de donner lieu à de nombreuses discussions et ... exemptions. D'autant que comme l'expliquait Yves Housson dans L’Humanité: (...) Quant à la pénalité prévue (1 % de la masse salariale), en cas de non-respect de ces très modestes « obligations », les entreprises pourront y échapper simplement en invoquant une « défaillance », de type « difficultés économiques », « restructurations ou fusions en cours (...) la loi contraint à travailler plus longtemps sans donner de véritables moyens de s’attaquer à la pénibilité de ce travail » Vous en doutiez encore ?

Crédit image
CFDT

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