23 janvier 2012

Modèle social français : Choix de société ou entrave pour les bancassureurs ?

Le modèle social français est une entrave pour les banquiers et assureurs qui lorgnent sur un pactole pour l'instant inaccessible. Denis Kessler l'un de leurs meilleurs porte parole ne désespère pas de liquider cet héritage du Conseil National de la Résistance pour leur plus grand profit.

Il est probable que peu de gens auront lu ce matin l'interview de Denis Kessler, l'actuel PDG du réassureur SCOR dans laquelle il déclare : « notre modèle social n'est pas tenable ». Et pourtant elle est importante. En effet, dans cette interview, l'ex-numéro deux du Medef et ex patron de la Fédération française des sociétés d'assurances, explique qu'au nom de la compétitivité, il est nécessaire de : « réinventer un modèle social adapté à notre temps »

Les initiés diront que ces propos ne sont pas nouveaux dans la mesure où Denis Kessler s'est juré d'avoir la peau d'un système qu'il exècre, et qui est issu du Conseil National de la Résistance. Pour s'en convaincre, il suffit de relire la tribune publiée sur le magazine Challenge en 2007

Extraits : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer (...) La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! (...) Ce compromis, forgé aune période très chaude et particulière de notre histoire contemporaine, se traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif (...) le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite (...) »

On pourra répondre à monsieur Kessler que la baisse des remboursements des frais de santé qui a profité aux mutuelles et compagnies d'assurances ont aboutit à ce que : « (...) plus d'1 Français sur 4 (27%) avoue avoir déjà reporté des dépenses de santé, faute de moyens financiers suffisants en 2011 (...) » Ce qui n'est malheureusement qu'un début, puisque, en novembre 2011, on apprenait que : « ( ... ) 32% des Français sont prêts à renoncer à leur mutuelle santé, si elle devient trop chère (...) Pour ceux qui résisteraient encore, ils reverraient les garanties à la baisse mais favoriseraient à 42% la couverture des frais d’hospitalisation, devant les frais de soins courants (...) » Et comme 2012 sera une année exceptionnelle en matière d'augmentations de tarifs !

Tout comme la brillante idée qui a consisté à « privatiser » une partie du travail de Pôle Emploi en ayant recours à des entreprises prestataires, pour s'apercevoir un peu plus tard, que le taux de retour à l'emploi était plus élevé dans le service public que chez un opérateur privé !

Mais ceci ne pose aucun problème à Denis Kessler pour qui la cible ultime est la retraite. Il est d'ailleurs clair dans son interview : « (...) l'absence de fonds de pension dans notre pays est une erreur historique... que l'on n'a toujours pas corrigée » point de vue qu'il partage avec Laurence Parisot qui proposait en mai 2010 de rendre obligatoire la capitalisation individuelle.

Pour en revenir à Denis Kessler, il expliquait dans Challenges, comment équilibrer durablement le système des retraites. A savoir faire assumer par le budget de l'état une retraite de base minimale dont les conditions d'accès seraient drastiques (durée de cotisation, âge légal de départ ) et maintenir une partie de répartition classique. Notons au passage que les deux premiers piliers seraient interdits de déficit. Pour le troisième pilier, la capitalisation ferait le reste, à répartir ... entre les assureurs et banquiers !

Si en période économique faste, cette démonstration peut éventuellement se défendre, en période de crise et de chômage très élevé, la mise en place d'un tel système ne bénéficierait qu'aux revenus les plus élevés qui pourraient ainsi librement choisir la date de leur départ à la retraite. Pour les autres ....

Autre problème : Quelle pérennité des fonds de pensions et quelles garanties de service d'une pension correcte sur des durées de versement pouvant excéder 25 ou 30 ans ?

A priori aucune, dans la mesure où l'état n'est pas censé garantir les fonds de pensions privés.

Des exemples ?

20Minutes nous expliquait en juin 2009 : « (...) L'Irlande, l'Australie, le Danemark, les États-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, où les fonds de pensions ont un poids important, sont les plus affectés. Dans ces pays, cette perte de revenus met les salariés les plus âgés dans la plus mauvaise posture. Ils n’ont guère le temps de reconstituer leur épargne avant de devoir commencer à puiser dans leurs actifs pour financer leur retraite (...) »

En fin de compte, les seuls vrais bénéficiaires d'une rente seraient les assureurs et les banquiers qui disposeraient d'une épargne captive de longue durée leur permettant d'engranger des frais de gestion et des revenus issus du placement de l'argent des futurs retraités sans réel engagement vis à vis des épargnants retraite.

Mais Denis Kessler est formel : « (...) un modèle social financé à crédit n'est pas durable. Il faut réinventer un modèle social adapté à notre temps (...) Nous sortirons de l'ère du désendettement qui s'annonce d'autant plus rapidement que notre pays acceptera les réformes indispensables de son organisation collective pour renforcer sa compétitivité (...) »

Eh oui, capter une partie plus ou moins grande des quelques 100 milliards d’euros de la retraite par répartition est à ce prix ...


Crédit et copyright photo
L'Express

2 commentaires:

Hurluberlu a dit…

Cette grande intellgence libérale rejoint ce qu'écrivait il y a peu un grand penseur contemporain à écharpe rouge, ami de Carla Bruni:

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/a-la-rigueur_1073198.html

cpolitic a dit…

Ce Denis Kessler est une menace pour la sécurité du peuple de ce pays.
Ni plus ni moins.