16 mai 2018

Salariés du privé et de la fonction publique : la précarité généralisée En Marche ?

Fidèle aux propos et la pensée de son mentor Jacques Attali, le Président de la République semble bien décidé à installer l'ensemble des salariés dans la même galère. Celle de l'incertitude et du précariat.

Petit retour en arrière. En 2015, Jacques Attali invité du "Club de la presse" d'Europe 1 estimait que nous allions vers une "uberisation" générale du travail et proposait d'appliquer le régime des intermittents du spectacle à tous les travailleurs. Cette idée de "génie" était brocardée par Marianne qui écrivait : "Aux yeux d’Attali, une société basée sur un tel système « ne [serait] pas précaire, dans la mesure où chacun pourra réaliser son talent. » Et tant pis pour les moins inspirés : « Evidemment, pour ceux qui n'auront pas de talent, ce sera plus difficile » concède-t-il ..." Déja les prémices de la "Startup Nation" !
 

 Il est vrai qu'ils sont nombreux les "spécialistes" du monde du travail à proposer de partager entre les "insiders" et les "outsiders" afin que chacun d'eux aient droit à leur tour au joies du salariat et ... du chômage. Cette "théorie" s'appuie sur l'expérience de la "flexisécurité" danoise. A l'origine, on facilitait les licenciements mais on faisait bénéficier les salariés d'une forte prise en charge et d'une indemnisation généreuse. Or, nul n'a entendu ces mêmes spécialistes nous expliquer que depuis la crise de 2008 la sécurité a été ébranlée mais que la flexibilité a été conservée comme le décrit l'IRES.

En France, l'ensemble des responsables économiques et une bonne partie des responsables politiques français se sont rués surtout sur le concept de flexibilité. Ce qui faisait dire à Eric Heyer de l'OFCE : "une politique de flexibilisation, pourquoi pas, si elle s'accompagne en même temps d'une politique de sécurisation des salariés qui n'existe pas dans le schéma proposé par les ordonnances"  En clair, il est plus facile de perdre son emploi sans pour autant bénéficier d'un véritable filet de sécurité.

En lieu et place nous avons droit à un projet de loi «pour la liberté de choisir son avenir professionnel» dont les points les plus importants sont la formation et l'assurance chômage. Si pour la CFE-CGC, il y a une certitude : "cela prendra du temps - entre 5 et 10 ans - afin de voir les effets positifs de cette loi". Nous émettons des doutes sur l'employabilité des plus de 50 ans même formés mais partageons la crainte de la CFE CGC sur la partie assurance chômage : "...ce projet met en place des mécanismes qui, outre le financement, permettent la modification des paramètres au bon vouloir de l’exécutif. C’est-à-dire avec le risque que le régime d’assurance chômage serve de variable d’ajustement dans le cadre d’une politique globale"

Donc, "ça c'est fait" comme dirait notre Président. Maintenant, aux salariés de la fonction publique ? Libération nous apprend que le gouvernement au travers du «Comité action publique 2022» (CAP22) pourrait envisager : "...de généraliser la possibilité de recourir à des contractuels dans la fonction publique ..."

C'est quoi CAP22 ?

"...Ce panel de 34 personnalités qualifiées, installé en octobre dernier, a été chargé par le gouvernement de plancher sur la réforme de l’Etat, des collectivités et de la Sécurité sociale. Issus du privé, du public et du monde associatif, ses membres se sont vus donner «carte blanche» par Edouard Philippe : un encouragement reçu cinq sur cinq par les experts, qui doivent rendre prochainement leur rapport au Premier ministre" Nous dit Libération

Et Libération d'ajouter : "le gouvernement souhaite élargir la possibilité pour les administrations de recourir à des agents non titulaires, qui n’ont pas le statut de fonctionnaire, pour des métiers «n’ayant pas une spécificité propre au service public» ... Objectif : «Accorder plus de souplesse et de liberté aux employeurs publics pour recruter leurs équipes en leur permettant de recourir davantage au contrat», indique Bercy. Fin 2016, la fonction publique comptait déjà, selon l’Insee, 940 200 non titulaires (en particulier dans le secteur scolaire ou de la santé) sur 5,7 millions d’agents publics, soit 16,5% de «contractuels"

Concernant la proposition phare de CAP22 qui selon Libération serait : "Des profs avec un CDD de cinq ans, des policiers embauchés pour seulement dix ans, des agents territoriaux en contrats de deux ou trois ans renouvelables"  Néanmoins, Libération ajoute : "Une source bien informée s’attend d’ailleurs à ce que le gouvernement écarte l’idée… pour mieux promouvoir une simple «extension» du recours au contrat, comme souhaité par l’exécutif"

Fuite d'information organisée par le gouvernement pour tester l'effet que produiront ces annonces sur les syndicats de la fonction publique ? Probable. Néanmoins, nous sommes moins optimistes que la source de Libération. Il n'y a qu'à voir de quelle façon le Premier Ministre refuse de revenir sur la fin du statut des futurs recrutement à la SNCF pour comprendre qu'on va essayer de rapprocher la situation des salariés de la fonction publique de celle du privé. En résumé faire assurer le service public par des salariés fragilisés mais à qui on demandera le maximum sans aucune garantie d'avenir !

Et après direz-vous ?

Hé bien, tous ces salariés pourront se voir appliquer le contenu des ordonnances liées au code du travail avec, au menu : plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, rupture conventionnelle collective, nouvelles règles de licenciement économique, référendum d'entreprise et  CDI de chantier. Mesures hautement anxiogènes pour les salariés qui n'ont d'ailleurs pas eu les effets promis sur le chômage. 

Si le gouvernement, ses experts et les organisations patronales nous assurent qu'avec une croissance retrouvée, ces mesures vont lever la "peur de l'embauche", nous ne sommes absolument pas à l'abri d'un retournement économique mondial qui laisserait des millions de salariés dans la pire des précarités. Car, ne nous voilons pas la face, en cas de nouvelle crise, il ne sera pas question de remettre en place les protections perdues. 

Alors, accepterez vous cette précarité généralisée qui voudrait se mettre En Marche ?
 

Crédit image

Aucun commentaire: