06 juin 2006

Reste-t-il encore une place pour les quotidiens payants ?




Le groupe BOLLORE va lancer son « gratuit » du soir qui devrait être selon ses propos sur Europe un journal de l’actualité politique et people rempli de photos plus agréables à consulter que des textes de fond. Ce journal sera domicilié dans la tour BOLLORE, à Puteaux, en région parisienne. Le tirage de Direct Soir est fixé à 250 000 exemplaires en Ile-de-France et autant en régions. Le mode de distribution privilégiée est le colportage.

A la lumière de cette nouvelle expérience de presse gratuite, Il est grand temps de se poser la question de la valeur de l’actualité et de sa diversité.

Beaucoup d’internautes ont eu la surprise de découvrir que les informations de l’AFP et de REUTER disponibles entre autre sur YAHOO! sont les mêmes que celles distillées (parfois sans aucun commentaire additionnel) par la presse écrite et audio visuelle. Il en sera de même pour le nouveau-né édité par le groupe BOLLORE.

Selon Le Figaro : « Les équipes sont constituées. Vincent Bolloré, le propriétaire du titre, s'implique lui-même dans les réunions du nouveau titre. Il est secondé par Philippe Labro et Paul Giannoli, conseiller éditorial, ancien patron de Télé 7 Jours et du JDD. Les équipes rédactionnelles du quotidien ont vocation à se rapprocher de celles de la télévision, Direct 8, chaîne de la TNT, également propriété de l'industriel, tout comme les équipes commerciales des deux médias devraient travailler de concert »

Quel est le problème qui va se poser à terme ?

Insinuer dans l’esprit des gens que payer pour quelque chose que l’on puisse avoir gratuitement est un non-sens économique.

Si le groupe BOLLORE a les moyens de dépenser 20 millions d’€ et attendre 7 ans pour obtenir la moindre rentabilité cela n’a rien de philanthropique. L’objectif déclaré est d’offrir une version de plus des dépêches accessibles à l’internaute moyen.

Alors qu’on demande chaque jour aux français de sortir de leur routine et d’être inventifs et créateurs, on leur propose de plus en plus de media routiniers et sans imagination.

Reste-t-il encore une place pour les quotidiens payants ?

En l’état, on peut légitimement se poser la question. Il est vrai que la presse écrite est au bord du gouffre et que seules des injections de capitaux régulières permettent à LIBERATION, au FIGARO, au MONDE ou à l’HUMANITE de ne pas cesser de paraître. Les récents déboires sans fin de France Soir ne plaident pas non plus en faveur des titres payants.

Alors, pourquoi cette désaffection au profit de condensés gratuits ? Tout simplement parce que les plus grands titres de la presse écrite ont abusé de la technique de « copier/collé » utilisée par les gratuits. Il est certain que l’affaiblissement du Parti Communiste français a entraîné l’HUMA dans des profondeurs insondables et que les prises de position des directeurs du MONDE et de LIBERATION ont finit par lasser ou offusquer des lecteurs fidèles.

La presse écrire s’est longtemps prise pour une institution que le lecteur se devait de ne jamais critiquer. L’investigation qui est coûteuse a été reléguée et remplacée par des témoignages recueillis par des correspondants disposant de peu de temps et de budget.

Impressionnés par les résultats de certains quotidiens régionaux, la presse nationale s’est mise à faire du chien écrasé, du portait du dernier sabotier du Haut Jura et du « bonheur dans le pré »

En fin de compte, il n’existe quasiment plus de presse d’opinion et le débat de société s’est déplacé vers les nombreux sites Web que les quotidiens ont été obligés de mettre en place pour continuer à capter l’attention des populations. Or, le site Web est une réponse gratuite à un problème de survie. Alors pourquoi en ce cas payer pour son quotidien du matin ?

La rédaction d’un quotidien coûte cher et avoir des journalistes de qualité également. La presse quotidienne nationale ne peut s’appuyer sur les perfusions financières et la publicité pour avoir un avenir.

Il lui faut retrouver ses racines et un ton qui passe par la diversité des opinions et la qualité de ses enquêtes et investigations. Le journalisme citoyen qui se développe sur le Web apporte la preuve du dynamisme de la pensée et du goût immodéré des français pour le débat. L’avenir de la presse écrite nationale passe par un travail au moins équivalent.


A vous de jouer messieurs les directeurs et patrons de presse

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