01 août 2007

Contrôleur des lieux privatifs de liberté ?

Le Sénat a adopté dans la nuit de mardi à mercredi le projet de loi de la ministre de la Justice Rachida Dati instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en innovant sur la nomination de cette nouvelle autorité indépendante, qui requerra un "avis" parlementaire.

Les réactions n'ont pas tardé :

"Le Contrôleur doit disposer des moyens d'effectuer son contrôle. Il n'y rien de plus hypocrite que d'installer des institutions sans leur donner les moyens de fonctionner, comme la CNIL", a protesté l'ancien ministre PS Robert Badinter.

"Instituer un contrôleur ne sert à rien, si vous ne lui donnez pas les moyens juridiques, matériels et humains de mener à bien sa mission de contrôle et de surveillance, si ses pouvoirs n'excèdent pas ceux des parlementaires ou ceux de la commission nationale de déontologie de la sécurité", a enchéri Alima Boumediene-Thiery (Verts).

Le Contrôleur serait doté d'un budget de 2,5 millions d'euros, supérieur de 700.000 euros à celui du Défenseur des enfants, et d'un effectif de 18 emplois. Ce budget sera voté en loi de finances pour 2008 et "pourra être revu à la hausse" les années suivantes en fonction des besoins. A souligné Mme Dati.

Les compétences du Contrôleur seront étendues aux locaux de garde à vue, aux dépôts des tribunaux, aux centres de rétention, aux zones d'attente des aéroports, aux cellules de retenue des douanes et aux hôpitaux psychiatriques.

Sont concernés au total, selon la ministre, 5.788 lieux de privation de liberté dont seulement 219 relèvent du ministère de la Justice, les autres étant du ressort de l'Intérieur, de l'Immigration, de la Défense, de la Santé ou du Budget.

Amnesty International France avait demandé le 30 juillet (communiqué sur son site Web) aux sénateurs de remédier aux insuffisances du projet de contrôleur des lieux de privation de liberté

Alors que les sénateurs vont débuter le 31 juillet l’examen du projet de loi, instituant un « contrôleur général » indépendant chargé de visiter tous les lieux de privation de liberté en France, Amnesty International France (AIF) tient à rappeler ses recommandations.(...)

AIF regrette de ne pas avoir été entendue par le rapporteur de la Commission des lois et demande aux sénateurs d’aller au-delà des améliorations déjà proposées par cette Commission, telles que l’association du Parlement à la nomination du Contrôleur général, l’élargissement de ses conditions de saisine, le renforcement de son statut ou le rappel de la collaboration avec les organismes internationaux.(...)

De son côté, l'observatoire international des prisons vient de réagir au travers d'un communiqué

Communiqué de l'OIP concernant les moyens humains et financiers alloués au futur contrôleur des lieux privatifs de liberté

La section française de l'OIP apprend avec consternation les moyens humains et financiers que le gouvernement entend allouer au futur contrôleur général des lieux privatifs de liberté. En faisant état ce matin, lors de la discussion au Sénat sur son projet de loi, d'un budget annuel de 2,5 M€ et d'un effectif total de 18 emplois -, la garde des Sceaux achève de disqualifier le dispositif proposé par le gouvernement, et considéré par l'OIP comme doté de pouvoirs trop restreints pour garantir une prévention effective et efficace des traitement inhumains et dégradants dans l'ensemble des 6 000 lieux privatifs de liberté.

Rappelant que pour mener à bien son action sur les seuls établissements pénitentiaires, l'inspectrice en chef en Angleterre dispose d'un effectif de 41 contrôleurs, l'OIP demande à l'ensemble des sénateurs d'interpeller Mme Dati de sorte à obtenir, d'ici la fin de l'examen en première lecture du projet de loi devant la Haute assemblée, son engagement solennel sur une dotation budgétaire à la hauteur des enjeux en présence.

Alors poudre aux yeux ? Techniques de communication façon "spin doctors" ?

Le fait est que 18 emplois pour surveiller 5 788 lieux de privation de liberté relève de l'impossible. Il serait toutefois dramatique que la mission du contrôleur échoue alors que tous les élus qui ont accepté de se rendre dans des prisons ne cessent de tirer la sonnette d'alarme.

La France "pays des droits de l'homme" peut et doit faire mieux !!!

Sources
Amnesty international
Observatoire des prisons
AFP

On peut également lire sur ce sujet le très intéressant rapport du médiateur de la république d'Avril 2007

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Slovar,

Ne voyez-vous pas un effet d'annonce pseudo-démocratique, histoire de cacher une perte de contrôle sur les fonctions régaliennes et faire taire les esprits éclairés derrière un écran de fumée ?