31 décembre 2009

Après la "rupture conventionnelle", le MEDEF souhaite : La "mobilité professionnelle" sans retour !

Au MEDEF, à défaut d'avoir des idées pour embaucher, on n'en manque pas pour alléger les effectifs !

Le patronat a déja obtenu la fameuse rupture conventionnelle, qui permet à un employeur et un salarié de se séparer d'un commun accord. Rupture décrite sur le site du Ministère du travail

"Dans les conditions fixées par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, issus de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail » (JO du 26 juin), l’employeur et le salarié peuvent convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

Cette rupture conventionnelle du contrat de travail obéit à une procédure spécifique : entretien(s) entre les deux parties, homologation de la convention… Elle est entourée d’un certain nombre de garanties pour le salarié et lui ouvre droit, dans les conditions de droit commun (activité préalable suffisante, recherche active d’emploi…), au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage"

Mais, celà ne semblait pas suffir au MEDEF qui vient de proposer aux syndicats de modifier, encore une fois, la législation du travail pour permettre à un salarié de quitter son employeur d’un «commun accord» pour aller voir ailleurs, avec la «possibilité» de revenir si l’essai n’est pas concluant.

Oui, mais cette fois-ci, le patronat propose un nouveau mode de rupture "spécifique" du contrat de travail !

Ce que le Medef propose d’instituer à titre expérimental, sur une période de deux ans, c’est :

"un droit conventionnel prenant la forme d’un accord de mobilité professionnelle individuelle sécurisée" ouvert aux salariés avec deux ans d’ancienneté. En cas d’échec, le salarié aurait la possibilité de retrouver dans l’entreprise son ancien emploi ou un emploi équivalent dans les six mois suivant la rupture de son contrat, voire davantage si la période d’essai du nouveau poste, renouvellement compris, excède six mois. Le contrat serait rompu d'un "commun accord des parties... / ... "

ça c'est pour la théorie, mais qu'en sera t-il dans les faits ?

Tout salarié sait parfaitement que lorsqu'on s'est absenté durant un certain temps de son entreprise, il est particulièrement difficile de retrouver ses marques. De plus, pendant une absence prolongée, il est naturel pour l'entreprise de trouver un remplaçant pour le poste vacant.

Que se passerait-il, si le projet du MEDEF s'appliquait ?

Si l'employeur embauche quelqu'un à sa place, supprime le poste, réduit les effectifs ou n'a plus d'emploi équivalent à proposer, le salarié ne serait pas réintégré mais pourrait s'inscrire au chômage et aurait droit à une demi-indemnité.

Dans le détail :

Si le salarié ne peut retrouver son poste, l’employeur devrait lui faire part de cette impossibilité par écrit, dans le mois de sa demande, en lui indiquant la raison.

Le document patronal liste quatre raisons de refus :


– une embauche ultérieure destinée à compenser le départ du salarié ;
– la suppression du poste du salarié avec ou sans réorganisation destinée à compenser son départ ;
– la réduction des effectifs de l’entreprise en cours au moment de la demande de retour ou programmée ;
– l’absence d’emploi équivalent disponible.

Le salarié ne pouvant revenir à son poste bénéficierait d’une indemnité spécifique égale à la moitié de l’indemnité qui lui aurait été due au moment de son départ et de même nature juridique que l’indemnité de licenciement. - Source WK RH

Et les syndicats, fortement hostiles à cette proposition de préciser :

Quatre motifs -et pas des moindres- sont susceptibles de mettre en échec le retour du salarié. En effet, une embauche ultérieure pour remplacer le départ, la suppression du poste, une réduction d’effectifs ou l’absence d’emploi équivalant disponible sont autant de raisons légitimes justifiant qu’un employeur ne réembauche pas le salarié

"Ces modalités ne nous conviennent pas», a réagi Gabrielle Simon (CFTC), qui explique que «dans une mobilité sécurisée, il n’y a pas rupture du contrat de travail mais suspension comme dans le congé maternité

"Là, on prend les gens pour des imbéciles. Si l’indemnité est plus faible qu’à travers un licenciement ou une rupture conventionnelle, le salarié fera vite le calcul", commente Maurad Rahbi de la CGT - Source 20Minutes

Du côté du patronat, on affiche une bonne humeur manifeste quant à ce nouveau dispositif

"Je suis très fière au nom du patronat de proposer ce dispositif", a au contraire déclaré Dominique Castéra, DRH de Safran et chef de file de la délégation patronale. "Cela permet à un salarié qui souhaite réaliser un projet dans une autre entreprise et n'ose pas, d'avoir un droit de retour, certes encadré, dans son entreprise initiale, et sinon de bénéficier d'une indemnité.

Si le salarié a la conviction de faire quelque chose dans un nouveau cadre et que ça va marcher, c'est normal que ça démarre par une rupture du contrat" de travail, a-t-elle défendu.


Mine de rien, ce dispositif, pourrait être, fort intéressant, pour les entreprises qui ont des salariés "trop vieux" ou "trop remuants" et dont elles souhaitent se débarrasser à moindre coût !

"La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?" déclarait Laurence Parisot en prélude à l'adoption de la rupture conventionnelle.

C'est d'ailleurs une "formidable" réussite, puisque : En vigueur depuis maintenant un an, la rupture conventionnelle intéresse de plus en plus d’employeurs et de salariés. Le nombre de demandes reçues et homologuées par les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) augmente constamment.

Entre août 2008 et fin juin 2009, 111.670 demandes de rupture conventionnelle ont été homologuées. Le mois de juin 2009 est de loin le plus important, avec 17.173 demandes homologuées, soit 4.000 de plus que le mois précédent ! Employeurs et salariés semblent de mieux en mieux informés et de plus en plus séduits par ce nouveau mode de rupture du contrat de travail, qui a de beaux jours devant lui ! - Source Editions Tissot

Yves Nicol, avocat du droit du travail a sa petite idée sur le sujet

" ... / ... Je pense qu'il y a deux enseignements possibles :

- les ruptures se substituent à des licenciements et dans ce cas il est difficile de parler de rupture d'un commun accord....Je constate pour ma part que dans la majorité des cas, on utilise ce dispositif pour remplacer un licenciement. Voir ce que j'en pense ICI et lire les avantages et inconvénients ICI

- soit ce sont vraiment des ruptures d'un commun accord, qui ne substituent pas à des licenciements, mais alors ce dispositif entraîne une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi et ce n'est peut-être pas la meilleure chose dans le contexte actuel ... / ... "

Devant ce "succès", il nous semble important de poser la seule question quoi vaille : Combien de nouveaux licenciements déguisés vont être issus du nouveau "dispositif" proposé par Dominique Castéra au nom du MEDEF s'il est validé par les pouvoirs publics et le parlement ?


Sources complémentaires
La Tribune
AFP/Google
Crédit image
Babouse




2 commentaires:

Eve a dit…

En fait, ceci existe déjà à France Telecom, sous le nom de PPA (Projet Personnel Accompagné). Le salarié a le droit de partir s'il a trouvé un nouveau poste avec la possibilité de revenir après la fin de son contrat (si CDD), sauf que dans les faits les gens ne reviennent pas.

Ceci a été inventé pour faire maigrir les effectifs de FT (et ça a marché !), et quand c'est couplé avec une mobilité imposée... bonjour les dégâts..

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.