Le Conseil Constitutionnel vient de retoquer l'affectation de l'épargne réglementée (Livret A, LDDS...) au financement de l'industrie de défense sans toutefois exclure que cette mesure puisse revenir sous une autre forme.
Comme beaucoup de français qui en ont la possibilité, je dispose d'un Livret A et un LDDS (livret de développement durable et solidaire). En ce qui concerne le Livret A, on m'a toujours expliqué qu'il était la principale source de financement du logement social. Ce qui n'est pas exact explique le site MoneyVox : « sur 100 euros placés, seuls 31 euros (31,25% précisément) sont prêtés aux bailleurs sociaux. Soit 174,3 milliards d'euros, sur les près de 558 milliards déposés, fin 2022 »
Pour le LDDS c'est encore un peu plus flou puisque comme l'indiquait Libération : « 80% des fonds doivent aller à des prêts pour les PME, et 10% à des travaux d'économies d'énergie dans les bâtiments anciens» précisant que : « rien ne garantit que ces PME œuvrent pour l'environnement »
Le graphique ci-dessous devraient vous faire mieux comprendre la répartition de cette épargne
Nos dirigeants fustigent régulièrement le manque de prise de risque financier des placements des français et souhaiteraient réorienter ou puiser dans cette épargne pour financer des projets n'ayant aucun rapport avec la destination première de l'épargne réglementée (Livret A, LDDS ou du Livret d'épargne Populaire).
Quelques députés proches de la majorité présidentielle ont bien essayé de le faire, il y a peu. En effet, un discret amendement à la loi de finance 2024 (adoptée par article 49.3) consistait à : « autoriser un fléchage d'une partie de l'épargne réglementée vers l'industrie de la défense »
Cette « astuce » a toutefois été rejetée par le Conseil Constitutionnel. Que pensent les français de l'idée de voir leur Livret A financer les industries de l'armement ?
Dans une étude Yougov pour MoneyVox on apprend que : « ... 54% des Français ne sont pas favorables à cette mesure. Un pourcentage qui grimpe à 58% chez les femmes, contre 49% pour les hommes. Au final, à peine un tiers des personnes interrogées (29%) sont pour l'utilisation d'une partie de l'épargne réglementée pour soutenir la défense »
Après tout, direz-vous, c'est le boulot des banques de financer l'industrie de l'armement.
Hé bien, de moins en moins, nous explique La Tribune. Elles : « … ne montrent pas un enthousiasme débordant pour financer les PME et les startups de l'industrie de défense … Les banques et les établissements financiers sont de plus en plus réticents à financer la BITD (1) (base industrielle et technologique de défense) par peur des sanctions extraterritoriales américaines et par peur des ONG et de voir leur réputation entachée »
En gros, sur le sujet, les banques se convertissent à l'investissement socialement responsable (ISR) contraintes et forcées.Donc, si les banques ont des pudeurs sur le sujet, pourquoi ne pas les remplacer le plus discrètement possible par l'épargne réglementée des français ?
Cette tentative de détournement de l'épargne des français au profit de l'industrie de l'armement est un pur scandale. Parce que si les banques pourraient continuer à choisir de financer ou non cette industrie, cela deviendrait une obligation pour les épargnants français détenteurs de Livret A.
Les épargnants doivent avoir leur mot à dire et pouvoir refuser que leur argent finance des entreprises qui produisent, entre autres, des systèmes d'armes et équipements létaux. Si les députés porteurs de cet amendement persistent, il faudrait en ce cas permettre aux titulaires de l'épargne réglementée d'activer une clause d'exclusion sectorielle comme le pratiquent certains fonds ISR.
Mais plus vraisemblablement, on s'achemine vers une toute autre solution puisque Bruno Le Maire serait plutôt partant pour un « produit d'épargne dédié à la défense nationale ».
Ceci dit, lorsqu'on connaît le faible engouement des français pour le financement de la défense nationale, rien ne dit que l'idée originelle des députés porteurs de l'amendement à la loi de finance ne revienne sur devant de la scène plus ou moins discrètement. Car si le Conseil Constitutionnel a retoqué la manière, il ne rejette pas le principe sur le fond ...
(1) Base industrielle et technologique de défense
Autres sources : Capital - La Tribune
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