16 avril 2009

Elections européennes : Interview exclusive de Sandrine Bélier (Europe Ecologie)

Il y a quelques jours, nous évoquions le sondage catastrophique concernant les taux de participation aux élections européennes de Juin prochain, et établissions un constat bien sombre :

L'Europe, l'Europe, l'Europe, ... bien que sa construction continue de jours en jours, les sondages prouvent que les Français doutent souvent (pour ne pas dire de plus en plus) de son efficacité à les protéger de la crise économique, qu'elle se préoccupe plus de réglementations ou d'idées saugrenues comme la commercialisation de vin rosé fabriqué à base d'une mixture rouge/blanc que d'établir de vraies règles sociales et éthiques. La dernière intervention de la Commission interdisant au gouvernement français les aides financières à Renault en échange du rapatriement d'une partie de la production sur les sites français a été, dans le contexte actuel, source d'une nouvelle incompréhension et d'un divorce en cours entre les citoyens et ce que d'aucuns appellent la machine bruxelloise.

Il semblerait qu'un bon nombre de Français s'apprêtent à jouer les abstentionnistes et que d'autres profitent de ce scrutin, situé à mi-mandat de Nicolas Sarkozy pour jouer la sanction franco française. C'est dommage, mais à y regarder de plus près, alors que la date approche, peu d'électeurs sont au courant des projets des différents partis ou mouvements politiques. La difficulté pour les partis de gouvernement à constituer des listes, le choix de femmes ou d'hommes "punis" ou "résignés" par leur désignation prouvent, s'il en était besoin que devenir député européen ne réjouit pas les candidats ... de premier plan. Il est certain que l'engouement des nombreux ministres à devenir tête de liste aux régionales inquiète quant à leur intérêt pour le projet européen et montre que nos "éminences" sont bien loin du rêve d'une Europe forte et unie qu'ils nous "vendent" tous les matins.

Dans la mesure où une grande partie des décisions concernant notre pays sont désormais prises par l'Union Européenne et que beaucoup de nos nouveaux textes législatifs sont des transpositions de directives que nos parlements se bornent à approuver, nous avons voulu, chez Slovar les Nouvelles, interroger des candidats à cette imminente élection. Nous avons envoyé plusieurs demandes d'interview par mail à différents candidats et avons reçu ... une seule réponse positive : Il s'agit de Sandrine Bélier : Tête de liste Grand Est du Rassemblement Europe Ecologie.

Bien que la sensibilité des rédacteurs de Slovar les Nouvelles ne soit pas tournée vers le mouvement écologiste, nous avons découvert que contrairement aux politiques que nous avions déjà interviewés sur Slovar, elle en avait, des choses à dire ...

Nous vous donnons ci-dessous l'intégralité de cette interview

Slovar : Sandrine, Bélier, vous êtes tête de liste Grand Est du Rassemblement Europe Ecologie pour les prochaines élections européennes alors que vous n'êtes pas issue d'un parti politique et peu connue des électeurs. Pouvez-vous vous présenter?

Mon mode d’action et ma famille ce sont en effet les associations de protection de la nature et de l’environnement dans et pour lesquelles j’ai œuvré ces 12 dernières années. Mon outil, c’est le droit de l’environnement. Après des études de droit à Paris, puis à Strasbourg, et deux spécialisations l’une en droit de l’environnement et l’autre en droits de l’Homme, j’ai décidé de m’engager dans le combat associatif. En fait, tout est parti d’un stage pour le Conseil de l’Europe et l’Union internationale de conservation de la nature en 1996, pendant lequel j’ai pu mesurer, au niveau international, le rôle des ONG sur le terrain des thématiques négligées par les pouvoirs publics : l’environnement et les droits de l’Homme. J'avais envie de me rapprocher du terrain, de mener des combats pour la protection de l’environnement. C'est comme ça que j'en suis venue à signer un contrat emploi-jeune à Alsace Nature, en 1998. Ensuite, du local, très vite je suis revenue au terrain européen, notamment en menant des contentieux pour l’application de la directive européenne Natura 2000, en France et en Alsace.

Dès 2000, mon engagement s’est inscrit au niveau national, en tant que bénévole du réseau juridique de France Nature Environnement. J’ai commencé à écrire des articles pour des revues de droit de l’environnement et à dispenser des cours à la Fac. En 2001, j’acceptais les fonctions de directrice régionale d’Alsace Nature et un an plus tard, mon prêt étudiant remboursé, je reprenais un vieux projet qu’il me tenait à cœur de mener, faisant le lien entre droit de l’environnement et droits de l’Homme : des travaux de thèse de doctorat sur la démocratie participative et la préservation de la nature.


Alors que je passais à sa phase de rédaction, le Grenelle de l’environnement a été lancé. J’y ai vu une opportunité de faire passer dans la réalité, dans le droit positif, toutes les idées mûries depuis cinq années : donner aux citoyens et aux associations le moyen d’agir et de peser dans les décisions publiques et politiques en matière d’environnement.

Et c’est ce que j’ai défendu dans toutes les phases du Grenelle au nom de France Nature Environnement (FNE), la Ligue de protection des Oiseaux et la ligue ROC. En juin 2008, je prenais les fonctions de directrice fédérale de FNE. En décembre, au regard des plans de relance initiés par François Fillon pour répondre à la crise financière et économique, de l’incapacité de nos gouvernants à mesurer l’opportunité de mettre en œuvre les solutions dégagées par le Grenelle, de la faiblesse du relais politique à l’expression concertée de la société civile, je quittais FNE pour rejoindre le Rassemblement Europe Ecologie.


Slovar : Peut-on dire que le Grenelle a donc eu un rôle essentiel dans votre engagement politique...?

C'est indéniable, cela a en effet joué un rôle très important dans ma décision de rejoindre le Rassemblement Europe Ecologie. Imaginez les avancées faites au cours du Grenelle: des syndicats ouvriers au patronat, en passant par l'ensemble de la famille des écologistes, tous, nous nous sommes accordés sur des solutions de sortie de crise, sur l'urgence de refonder notre modèle de société à partir de solutions concrètes et durables, possibles à mettre en oeuvre, tant sur le court terme que sur le long terme. Ce sur quoi nous nous sommes entendus est simplement quelque chose d'inédit, d'unique. Les politiques devaient quant à eux prendre le relais. Et puis...

Slovar : Et puis?

Et puis, de deux choses l'une: devant cette absence de relais politique, soit vous abandonnez la partie, soit vous défendez ce à quoi vous croyez, ce sur quoi l'ensemble des acteurs sociaux et économiques présents s'étaient entendus. C'est la voie que nous avons choisi avec, pour ne citer qu'eux, Yannick Jadot (Greenpeace) et Jean-Paul Besset (Fondation Nicolas Hulot), également acteurs du Grenelle. Notre sentiment était alors – et il le reste – que si nous ne montions pas au créneau, aucun grand parti traditionnel ne le ferait. Or il y a urgence. Si rien ne change, c'est, sans aucune exagération, droit dans le mur que nous allons.

Slovar : Est-ce ce constat qui aurait donné naissance au Rassemblement Europe Ecologie?

Il n'y est en effet pas étranger. Et c'est sans doute là qu'il puise sa plus grande force. Europe Ecologie ce ne sont pas seulement les Verts, le parti historique de l’écologie politique. Ce sont les Verts réunis avec des acteurs des grandes formations écologistes, des acteurs de l'économie sociale et solidaire, des personnalités de la société civile, des citoyens non encartés, membres de très nombreuses associations, des gens qui travaillent au quotidien à l'amélioration de notre société.

Ce Rassemblement ce sont des citoyens, venus de tous les horizons, animés par une même urgence et une même volonté de changement. Ce sont des gens qui proposent, qui portent un véritable projet de société pour les années à venir. Un projet qui apporte des réponses combinant systématiquement approches économique, sociale, environnementale et démocratique. Il faut arrêter de faire croire aux gens que ces trois piliers sont différents, qu'ils peuvent être traités séparément. L'économique rejaillit sur le social et l'environnement, l'environnement sur le social et l'économique, et ainsi de suite. Vous ne pouvez pas traiter l'un pendant que vous mettez sous clé les autres. Qui dit crise globale, dit réponses responsables, soit globales.


Slovar : Globale qui impliquerait des réponses plus européennes que locales ... ?

Oui. Car si je suis convaincue que l’action est indispensable et utile à toutes les échelles du territoire, de la commune en passant par la région, jusqu’aux décisions nationales, il est évident que les solutions à la crise sans précédent que nous connaissons aujourd’hui ne peuvent être qu’européennes. Penser ou dire le contraire, arguer du protectionnisme national dans la période que nous connaissons est simplement mensonger et suicidaire !

Slovar : Vous ne pensez-pas que vous y allez un peu fort en utilisant les termes "mensonger" et "suicidaire" ?

Peut-être, mais comment voulez-vous qu'il en soit autrement? Il y a un moment où il faut bien appeler "un chat", "un chat" et cesser la politique de l’autruche.

Le projet que nous portons avec le Rassemblement Europe Ecologie est un changement de société, pour une société plus juste, plus solidaire et plus écologique, pour une sortie de crise par le haut. Et cela ne peut, dans le contexte actuel, de toute évidence se concevoir qu’à l’échelle européenne.

Vous savez, mon expérience dans le domaine de l’environnement m’a toujours rappelé que la nature et les pollutions ne connaissent pas les frontières administratives nationales. Allez expliquer à un oiseau migrateur ou au nuage de Tchernobyl qu’ils doivent s’arrêter au Rhin, côté allemand, parce que la France ne respecte pas les périodes de chasse ou qu’elle n’assume pas les risques de sa politique énergétique du tout nucléaire. Allez leur dire... C’est une évidence que d'affirmer que notre avenir se jouera à l’échelle de l’Union Européenne et les cinq prochaines années seront primordiales. Et c'est en effet mensonger et suicidaire que de soutenir l'inverse.


Slovar : Le Rassemblement Europe écologie, est actuellement crédité de 9% des intentions de vote, contre 11 % puis 7 % au cours des mois précédents. Ne croyez-vous pas que l'écologie politique reste mal perçue par les Français ?

Je crois surtout que c’est la classe politique qui est mal perçue par les Français et nos partis politiques traditionnels en sont responsables. Il n’y a qu’à voir de quelle manière le PS, le MoDem ou l’UMP abordent les élections européennes : pour les uns, les élections européennes sont les prémisses de la campagne présidentielle de 2012, pour les autres une punition d’être éloignés des fastes du pouvoir parisien, quand les deux ne sont pas cumulés.

Je trouve cela désespérant et indécent pour les citoyens français, si vous voulez mon sentiment. Comme cela semble être parti, il n’y a que Europe Ecologie qui va mener une campagne honnête pour ces élections européennes en parlant de l’Europe et en portant de vraies solutions pour sortir de la crise, pendant que les partis traditionnels nous parlent de leurs luttes intestines et nous rejouent les vieux films du référendum de 2005 ou de l’élection de 2007. Je trouve ça indigne et irresponsable face aux attentes légitimes des citoyens qui souffrent plus que jamais d’une crise qui s’amplifie depuis plusieurs années. Quant à l'écologie politique, je ne crois pas qu'elle soit mal perçue par les Français. Elle est avant tout mal comprise.


Slovar : Mais encore ?

Ce que j'entends par-là est que cela fait longtemps que l'écologie politique n'est pas seulement, comme certains voudraient encore le faire croire, la défense des petites fleurs, des oiseaux et le combat contre le nucléaire … Nous avons un projet qui concilie les impératifs économiques, sociaux et environnementaux. Nous avons une approche réaliste, un projet réalisable et le seul qui assure un avenir durable qui ne se limite pas à une période de 2 à 5 ans …

Europe Ecologie, c’est aussi une nouvelle offre politique qui n’hésite pas à prendre le contre-pied des habitudes politiques françaises qui veulent faire croire que tout ira mieux demain en ne faisant rien ou en continuant comme on l’a toujours fait.

L’écologie politique, aujourd’hui, c’est le contraire de ceux qui mettent du vernis sur des ongles sales ou des pansements sur une jambe de bois. Nous regardons la réalité bien en face, nous la prenons à bras le corps, nous sommes force de proposition pour impulser le changement. Notre projet s’inscrit dans le moyen et le long terme pour permettre à chacun de pouvoir se projeter dans l’avenir.


Slovar : L'avenir, justement, c'est aussi celui de milliers de salariés de plus en plus précarisés ou de demandeurs d'emplois dont la liste ne cesse de s'allonger. Les écologistes proposent de créer des milliers d'emplois en ayant recours notamment aux économies d'énergies et au développement des énergies nouvelles. Très bien mais cela prendra du temps. Que proposez-vous dans l'immédiat à ces personnes?

Je vais être directe avec vous. Tout d'abord, la création d’emplois va au-delà du secteur énergétique; ensuite, il est inexact de dire que ces créations d’emplois vont demander des années.

Nous sommes particulièrement conscients qu’il est important de répondre dans l’urgence aux personnes dont les emplois sont menacés et à l’ensemble de celles qui se retrouvent aujourd’hui sans emploi. Mais ces réponses doivent s’inscrire dans la durée. Autrement, elles n'ont pas de sens et ne contribuent qu’à entretenir des situations de précarité pour les salariés.

Voulez-vous vraiment que l'on reproduise les mêmes erreurs – dramatiques sur le plan humain et social - que celles commises par les partis traditionnels dans leur gestion de la crise sidérurgique dès 1979 ?

Une fois encore, nous avons un devoir d’honnêteté et une véritable responsabilité face aux salariés qui sont aujourd’hui dans la crainte de perdre leur emploi à plus ou moins long terme. Europe Ecologie propose un "Bruxelles de l’emploi" pour répondre rapidement à la crise.

Nos propositions de conversion de l'industrie automobile, de la manière de concevoir, construire ou rénover des logements, de concevoir de nouveaux modes de déplacement au niveau européen, tous ces projets existent, sont dans les cartons et offrent pour le coup, la possibilité de millions d’emplois pérennes.


Slovar : Reste l'argent ... Comment envisagez-vous de le trouver ?

Mais l'argent est là aussi ! On l'a bien trouvé pour renflouer des banques sans contrepartie! On l’a bien trouvé pour mettre le secteur automobile sous perfusion comme on l’avait fait avec la sidérurgie et sans conditionnalité sociale et environnementale ! Ce n’est pas l’argent qui est un obstacle comme on tente de nous le faire croire depuis des années.

Ce qui manque, c’est la volonté et le courage politiques de penser l’économie différemment, et de reconnaître que les choix d’hier sont périmés. Vous savez, l'économie verte ne se réduit pas à la création d'emplois verts stricto sensu. Elle englobe la reconversion de secteurs entiers de l'économie permettant à la fois de maintenir nombre d'emplois existant et d'en créer de nouveaux.


Les dix millions d'emplois verts que nous proposons de faire surgir en 10 ans ne sont donc qu'une partie des emplois créés par le New Deal écologique et social européen. Les secteurs qui vont croître avec la lutte contre le changement climatique et le remplacement des énergies fossiles (énergies renouvelables, transports doux, efficacité énergétique des bâtiments et des modes de production industriels...) sont plus productifs que les secteurs appelés à décroître dans leur forme actuelle, comme la production et la distribution d'énergies fossiles ou la construction automobile ou aérienne.

L'agriculture biologique et de qualité est également plus créatrice d'emplois que l'agriculture conventionnelle, de même que l'entretien, la réparation et le recyclage des biens produits constitue un gisement d'emplois plus important que le système du tout jetable.


Slovar : Vous avez fait mention du secteur automobile, particulièrement touché aujourd'hui. Est-ce là un chantier à court terme ?

Oui, nous sommes bien sur un plan à court terme, sur une priorité. Je vous le confirme: le premier contrat de conversion industrielle de l'économie européenne devra concerner l'automobile.

Slovar : Pourquoi celui-ci en particulier?

Parce qu'il aura un effet d'entraînement massif pour le reste de l'industrie. La construction automobile n'est qu'un des secteurs touchés par la crise, mais la voiture jouant un tel rôle dominant dans l'organisation de la société et l'imaginaire collectif, l'impact de sa transformation aura valeur d'exemple pour tous les autres secteurs.

Ce que nous proposons c'est de conditionner tout soutien public à la construction automobile (Europe, Etat, collectivités locales) à des critères environnementaux et sociaux contraignants qui favoriseront la conversion du secteur avec un volet "sécurité de l'emploi et formation".

Il s’agit notamment de garantir une indemnisation forte du chômage partiel avec possibilité de formation professionnelle pour les salariés des métiers de la mobilité, soit de garantir le maintien des droits sociaux et du revenu des salariés en leur assurant un emploi sur un long terme.

L'argent public ne doit profiter au secteur automobile que s'il réduit, radicalement et dès aujourd'hui, son impact sur l'environnement et le climat pour assurer une "transition vers la voiture sobre", moins polluante mais aussi et surtout moins consommatrice en pétrole et donc moins coûteuse pour les usagers.

Nous proposons d’accompagner la transition de l’industrie automobile et dans le même temps de développer une "politique commune de la mobilité et des transports" pour développer les moyens de transports moins coûteux pour les ménages et pour l’environnement (transports collectifs, les camions sur rails, etc…).


Slovar : Selon Daniel Cohn-Bendit et vous-même, de nombreux autres secteurs d'activité, devraient profiter d'une "conversion de l'économie par l'écologie". Sur le papier c'est séduisant mais les emplois qui s'y rattacheraient ont-ils déjà été chiffrés ?

Oui. A long terme, cette fois, de multiples études officielles et indépendantes permettent de fixer les ordres de grandeur pour l'Europe des 27, à l'horizon 2020. L'objectif de 30% d'agriculture biologique pourrait ainsi permettre la création de 1,5 million d'emplois dans l'agriculture. Un plan de rénovation énergétique des bâtiments - avec un objectif de réduction par quatre des émissions à effet de serre - pourrait créer un autre million d'emplois. L'objectif de 20% d'énergies renouvelables créerait lui aussi un million d'emplois. Les transports durables devraient permettre la création de 3,5 millions d'emplois.

Le recyclage et une gestion améliorée des ressources primaires pourraient créer 500.000 emplois. La recherche et développement dans les domaines de l'environnement, de même: 500.000 emplois. L'aménagement des territoires et des villes, le tourisme vert, la gestion de la biodiversité, aidés par les fonds structurels européens, pourraient créer 650.000 emplois. Le développement des services à la personne, la réparation, l'artisanat pourraient créer 2 millions d'emplois. Un des leviers essentiels pour la création des emplois réside dans l'adoption d'un statut du tiers secteur, créateur d'emplois d'utilité sociale, culturelle et environnementale (crèches, aides aux personnes âgées, éducation à l'environnement, protection et entretien des espaces naturels, réparations...), et le soutien à l'économie sociale et solidaire.

Slovar : Reste que cette conversion implique une "moralisation" de l'économie de marché... Vous la croyez possible ?

Transformer l’économie par l’écologie, ce n’est pas moraliser un système économique qui a fait la preuve de son impuissance à protéger l’humain et la planète, et qui nous conduit dans le mur. Transformer et convertir l’économie à l’écologie, c’est revenir à la raison, c’est en finir avec l’exploitation abusive de l’homme et de la nature, c’est en finir avec un vieux modèle pour en développer un nouveau plus respectueux, plus protecteur, plus durable, plus viable et plus enviable.

C’est remettre l’humain au cœur de notre projet de société et en finir avec la société de l’«Avoir» pour passer à la société de l’«Etre», du mieux être… Alors non, je ne pense pas qu’il s’agisse de moraliser ou de réhabiliter un système économique condamnable en tous points: il s’agit maintenant de passer à autre chose. L’ère post-industrielle et l’ère du néo-libéralisme doivent laisser la place à l’ère écologiste et humaniste.

Slovar : Sur un plan très politique cette fois, Daniel Cohn-Bendit, a récemment déclaré: "Pas question de se laisser entraîner dans un combat franco-français pour ou contre la politique de Sarkozy. La réponse n'est pas nationale mais européenne". Ne pensez-vous pas que les Français sont désabusés et voient l'Europe et sa construction comme une machine à réglementation dont les yeux sont exclusivement fixés sur la concurrence et la libre circulation des marchandises et des capitaux?

Commençons peut-être déjà par être honnête intellectuellement, surtout quand on fait de la politique. Nous sommes en campagne pour des élections européennes. Notre objectif est de faire le meilleur score le 7 juin prochain pour obtenir le plus grand nombre possible de députés au Parlement européen de Strasbourg. Pas à l’Assemblée nationale, j'insiste. Au Parlement de Strasbourg!

Cette question est fondamentale, parce que du résultat de ce vote dépendra la constitution de la majorité politique du Parlement européen. Du choix de cette majorité dépendra le choix du président du Parlement mais aussi de celui de la Commission européenne. Avouez que ce n'est quand même pas rien. On ne joue pas une troisième mi-temps de la présidentielle française. On joue notre avenir commun. On joue la mise en place d'un projet de société défendant les intérêts présents et futurs des citoyens français et européens.

Comprenez bien que l’Europe néo-libérale que nous avons aujourd’hui est l’Europe d’une majorité et de choix politiques faits par cette majorité européenne.
Que le président de la Commission est lui-même co-opté par cette majorité. Cette majorité, aujourd'hui, c'est celle du Parti Populaire Européen (PPE) et de l'UMP de Nicolas Sarkozy. Cette majorité c'est aussi celle au sein de laquelle siègeront les élus du MoDem, via les alliances existant entre le groupe des libéraux (ADLE) au sein duquel ils siègeront, et le PPE.

Cette majorité est celle permise par l’absentéisme des élus socialistes au parlement (PSE). Cette majorité, c'est celle-là même qui a choisi, tout au long de cette mandature, de soutenir la Commission européenne et son président José Manuel Barroso.


Le 7 juin, nous n'élisons pas simplement des députés, nous donnons une orientation cruciale à l'Union pour les cinq prochaines années, et au-delà. La question que nous devons dès lors nous poser est: voulons-nous continuer à cautionner des politiques qui nous conduisent droit dans le mur ou voulons-nous faire entendre notre voix et porter et appliquer un autre projet de société. C'est ça qui se joue le 7 juin.

Slovar : Dans la continuité de vos propos, les députés européens Verts sont justement à l'origine d'une campagne "Stop Barroso!", contre la réélection du président de la Commission européenne. En êtes vous solidaire et pensez-vous sincèrement que celle-ci ait la moindre chance d'aboutir ?

Oui, je suis solidaire de ce slogan, bien évidemment. "Stop Barroso!" est un slogan contre tous ceux qui gèrent notre économie depuis des décennies en louant ses bons résultats, en jurant il y a encore un an que jamais une crise de l'ampleur de celle que nous vivons ne pourrait arriver, et qui aujourd'hui découvrent les bienfaits de l'interventionnisme d'Etat avant, très certainement, d'en revenir à leurs bonnes vieilles habitudes une fois les regards détournés.

"Stop Barroso!", c’est dire "stop au néo-libéralisme", à un système prédateur et destructeur de l’homme et de la planète. C’est dire "stop!" à tous ces irresponsables qui n’ont pas vu venir la crise et qui sont aujourd’hui en incapacité de reconnaître leurs erreurs. Comment peut-on encore faire confiance et donner les manettes du pouvoir à des politiques qui nous ont conduit droit dans le mur et refusent encore tout changement de modèle de développement?

A la question "cette campagne a-t-elle des chances d'aboutir?", ce n'est pas à moi de vous répondre, pour une raison simple: c'est ensemble que nous pourrons dire "stop!", c'est ensemble que nous pourront changer les choses. Et cela passe par les élections européennes du 7 juin prochain.


Slovar : Pour conclure cet entretien, que diriez-vous justement aux Français pour les convaincre définitivement de reprendre en main leur avenir européen en vous rejoignant le 7 juin? Que leur diriez-vous pour leur redonner envie d'Europe?

Je voudrais partager avec eux un rêve européen qui n’aurait pas à rougir du rêve américain. Je voudrais leur dire : si vous n’imaginez pas encore le pouvoir de l’écologie … Imaginez la force et la puissance de 27 Etats unis et coordonnés pour une action commune face à la crise financière, économique, sociale, énergétique, climatique, alimentaire et écologique … Imaginez les efforts que pourrait faire la France multipliés par 27 … Imaginez une Europe où la liberté de circulation n’est plus seulement celle des marchandises et des capitaux, mais la liberté de circulation des idées, des innovations, des savoirs, de la culture, des personnes, des travailleurs et des étudiants…

Imaginez une Europe économique qui deviendrait une Europe politique, une Europe sociale et écologique, une Europe qui protège, une Europe qui assure l’avenir… Une Europe qui assure un salaire minimum à chacun, la possibilité de se former pour faire face aux métiers de demain et qui impose un salaire maximum …

Imaginez une action coordonnée de 27 Etats qui garantisse à tous ses citoyens le respect de ses droits fondamentaux et le respect de la dignité humaine …

Imaginez le secteur automobile et tous les secteurs industriels coordonnés à l’échelle de 27 Etats, où les mêmes règles de protection des salariés et normes environnementales s’appliquent pour opérer une mutation vers une économie écologique dans une perspective de plusieurs décennies …

Imaginez 27 Etats qui décident ensemble de tout changer pour peser mondialement en faveur de la paix, de la lutte contre le changement climatique et la crise écologique, de la protection de notre patrimoine naturel, d’un travail et du mieux vivre pour tous. Imaginez. Tout cela est possible est c’est le projet d’Europe d’Europe Ecologie ! Tout cela est possible: cela passe par un vote: le 7 juin. Pas le 8 ou le 9, mais le 7 juin prochain.


Merci Sandrine de nous avoir accordé cette interview et bonne chance pour le 7 juin




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