12 août 2009

Burqa, burquini (burkini) : Epiphénomènes ou militantisme textile ?

Lancé par André Gérin qui avait demandé la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire "sur le port de la burqa" le débat sur le port en public de certains vêtements "islamiques" est en train de prendre une nouvelle tournure.

Le débat sur la burqua semble clos, puisque la publication par la mission d’information qui avait été créée à l'occasion n'aurait révélé que 367 musulmanes portant la burqa en France. Et bien, voila qu'en surgit un autre : Celui du "Hijood" ou burqini (ou burkini)

En janvier 2008, Slovar publiait un très court billet sur ce dernier chic balnéaire musulman

Ausi étonnant que cela puisse paraître, ce "maillot de bain islamique" a été créé par une femme. Le slogan de la marque est le suivant : "Nos vêtements sont conçus avec le respect de valeurs Islamiques et visés pour augmenter le style de vie de la femme Musulmane active"

Extrait de l'article publié sur Slovar les Nouvelles et Le Post

" ... /... Ce vêtement inventé par Aheda Zanetti, une Australo-libanaise et commercialisé par Ahiida, a été baptisé «Hijood». Le maillot de bain islamique a fait un tabac : 9 000 exemplaires ont été vendus en Australie en janvier 2007, le mois de son lancement.

Ample et léger

En caoutchouc ultraléger, le burqini a été spécialement étudié pour être lâche et ne pas mouler les formes féminines. Ce nouveau concept fait également fureur chez les "Life Guard" musulmanes australiennes .../ ... "

Cet article avait été également publié dans notre espace sur Le Post et si à l'époque, peu d'internautes l'avaient commenté, les réactions étaient enflammées :

"Je ne vois pas où est le souci, à priori vous préférez vous faire reluquer voire vous faire maltraiter par des betes, où est le souci si une femme veut se couvrir de la tete au pied pour ne pas avoir le regard de "bestiaux" (excusez moi le terme ) mais c terrible de voir qu'une femme qui se couvre soit considérée comme un objet autant qu'une prostituée), les prostituées se font considérées comme de la m.... se font tabasser sont maltraiter violer ... tuer.... n ont aucune vie, aucune considération aucune estime ....à votre avis pourquoi ??? parce que des idiots voulant asouvir leur désir en ont fait des objets, excusez moi mais vaut mieux se couvrir de la tete au pied et etre considéré comme quelqu'un qui vit au moyen age qu etre considérée comme une merde !"

"Encore plus couverts que nos maillots de bain 1900. Là, c'est carrément le maillot de bain Moyen Age. quand on pense que les Romaines connaissaient le bikini !
C'est vrai qu'il ne leur reste plus qu'à se teindre le visage en bleu pour ressembler à un schtrompf à poil. Il faudrait en acheter quelques uns comme ça pour aller à Angoulême (à moins qu'on arrête les schtrompfs nus pour outrage à la pudeur) afin de célébrer le 50ème anniversaire de leur création par Peyo"

"C'est pas aux femmes de se déguiser : c'est aux hommes d'apprendre le savoir-vivre ! On ne touche pas une femme contre sa volonté, quand bien elle se promèrerait nue ! Il faudrait peut-être que les machos de ces pays à la noix commencent à intégrer ça dans leurs cerveaux pleins de petits pois !"

"N'importe quoi ! Affligeant ! et on est en 2008 ! "

"C'est pour ne pas affoler la gent masculine. Des fois qu'ils ne puissent pas se retenir. C'est comme avec les animaux. Si on ne veut pas de petits, il ne faut pas mettre les mâles et les femelles ensemble. C''est de la préhistoire cette histoire ! "

"Et encore une fois c'est une femme qui perpétue des traditions machistes. Incroyable qu'une femme aie pu inventer une horreur pareille." - Source Espace Slovar sur Le Post

Cette information, comme beaucoup d'autres, aurait pu rester au rang des infos insolites, que nous pouvons consulter tous les jours sur les grands portails d'actualité, et ... oublier au fil des jours, si une jeune ressortissante française n'avait décidée de mettre cette "mode" sur le devant de la scène sur le territoire national.

On apprend par le Parisien que :

Deux mois après la fronde de 65 députés contre le port de la burqa en France, une nouvelle affaire est en passe de déclencher les foudres des défenseurs de la laïcité. Cette fois, la polémique n’a pas pris racine à l’Assemblée mais à Emerainville, petite commune de Seine-et-Marne. C’est ici que le 1e r août, Carole, musulmane de 35 ans, s’est vu refuser l’accès à la piscine par le maître nageur de service.

Motif invoqué : la direction de la piscine n’accepte pas le « burkini », le maillot de bain islamique avec lequel elle souhaitait se baigner. Après cette fin de non-recevoir, Carole s’est immédiatement rendue au commissariat de police de Noisiel pour déposer une main courante. Aujourd’hui, cette Française de souche, convertie à l’Islam depuis ses 17 ans, veut aller plus loin en déposant plainte auprès du procureur de la République de Meaux.

« Je m’étais dit que cela pouvait m’autoriser le plaisir de la baignade sans trop me découvrir »

Carole avait pourtant déjà eu l’occasion de se baigner à la piscine d’Emerainville dans ce « burkini », composé d’un voile, d’une tunique et d’un pantalon, acheté lors de récentes vacances à Dubaï (Emirats arabes unis). « En le prenant, je m’étais dit que cela pouvait m’autoriser le plaisir de la baignade sans trop me découvrir, comme le recommande l’islam », souffle-t-elle.

Bien-sûr, la jeune femme se doutait bien que sa nouvelle tenue était susceptible de poser problème. « J’avais donc appelé plusieurs piscines du département, se souvient-elle. A la troisième, le maître nageur m’a demandé de venir le voir et de porter la tenue afin qu’il puisse se faire une idée. Il n’y voyait pas de problème, mais m’a prévenue qu’il n’était pas seul à décider. »

Le 27 juillet, vêtue de ce maillot intégral, elle se met donc à l’eau... sous l’oeil médusé des autres baigneurs et recommence les jours suivants en compagnie de ses enfants. Elle achète même un abonnement de 10 heures à la piscine locale...dont l’accès lui a finalement été interdit le 1er août.

« Pour moi, c’est de la ségrégation et je me battrai pour faire changer les choses »

« Je comprends que ça puisse choquer, reconnaît la mère de famille. Surtout que nous sommes en France. Mais ce qui m’ennuie, c’est qu’on m’a fait comprendre qu’il s’agissait d’un problème politique. » Yannick Decompois, directeur général du syndicat d’agglomération nouvelle (San) de Marne-la-Vallée, qui gère les piscines du secteur, affirme de son côté que la question n’est pas là. « Il ne s’agit nullement d’un problème de laïcité, mais tout simplement d’hygiène, comme pour l’interdiction des shorts de bain », justifie-t-il. « Cette dame peut sans problème venir voilée à la bibliothèque. Nous n’y verrons aucun inconvénient. L’erreur est d’avoir laissé passer la chose à la piscine les premières fois. »

Carole, elle, n’entend pas en rester là. Déterminée à saisir la justice, elle compte également alerter le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et SOS Racisme. « Pour moi, c’est tout simplement de la ségrégation lance-t-elle. Je me battrai pour tenter de faire changer les choses. Et si je vois que la partie est perdue, je n’exclue pas de quitter la France. »

Le député André Guérin (PCF), président de l'enquête parlementaire sur le port de la burqa en France, quant à lui, "donne raison à la direction de la piscine". Pour lui, "on a beau voir le visage de la femme dans ce maillot ridicule, c'est clairement de la provocation militante", fustige t-il, avant de s'interroger : "C'est sans doute le début d'un nouveau problème". Aux Pays-Bas, une polémique est née en janvier 2008 après qu'une nageuse de la piscine de d'Almelo eut été interdite de baignade parce qu'elle portait ce genre de tenue.

.. / ... Aux Emirats Arabes Unis, où Carole a par ailleurs acheté son burqini, il est très utilisé. En Europe, c'est dans les pays nordiques qu'il est le plus souvent toléré. - Source Le Parisien et Le Nouvel Obs

Effectivement : "L’erreur est d’avoir laissé passer la chose à la piscine les premières fois" Car, comment arguer à cette nageuse, aujourd'hui, les problèmes d'hygiène inhérents aux piscines publique ? Allons-nous encore, au delà de la maladresse d'un maître nageur, nous trouver confrontés à une nouvelle vague de militantisme textile ?

Y a t-il ségrégation comme elle le déclare ?

Non, simplement une bévue qui va aider à renforcer la polémique sur les vêtements conformes aux préceptes de la religion. Ces préceptes qui peuvent être librement interprétés comme nous l'expliquait JAMIL SAYAH enseignant de droit public à l’université Pierre-Mendès-France à Grenoble dans une contribution sur Libération qui mérite d'être lue ou relue

" .../ ... Les fondamentalistes sont en voie de gagner le combat. En effet, ils ont réussi à placer le débat sur le port de la burqa et du niqab sur le terrain de la religion en faisant passer ces deux accoutrements pour un signe religieux. Piété, libre choix et respect de soi : discours établissant d’une manière explicite un lien de filiation entre ces habits et une authentique tradition prophétique. Il joue sur une mémoire historique savamment sélective qui idolâtre la pudeur, pour nier la liberté. Le piège.

Un tel positionnement nous enferme dans une discussion sans fin dès lors qu’on se trouve dans l’obligation de se plonger dans les méandres de la charia pour trouver les prescriptions qui réfutent ou condamnent le port de tels habits. Or rien n’est plus destructeur de la laïcité et de son esprit que ce positionnement discursif. L’égalité, la liberté, l’ordre public et le bon sens même condamnent avec la plus grande force le port de ces uniformes. Il est en effet inutile de s’attarder sur une telle explication.

Loin d’être porteur d’une quelconque vérité religieuse objectivement connaissable, ces deux manières de s’exhiber dans l’espace public sont une violence faite aux femmes. Elles les clôturent et les enferment dans une zone de non-existence. Dépourvues de visage et privées d’identité, elles sont l’ombre d’elles-mêmes. A l’instar du voile islamique, devenant avec cette avancée dans l’horreur moins intégral donc forcément plus acceptable, ces habits constituent des référents d’apprentissage et d’inculcation de certains modèles de comportement et de représentation de la femme comme un être inférieur réduit à un objet de plaisir. Aucune société, aucun groupe social quel qu’il soit, ne peut se dispenser de se mobiliser pour rejeter cette rétrograde idéologie.

Il y a sans doute une bonne part de naïveté de croire que le foulard islamique émanerait d’une représentation différente de la femme que celle que structure le voile intégral. Sous réserve de quelques variantes sans épaisseur, ce sont les mêmes représentations, les mêmes idées qui sous-tendent les deux modèles d’accoutrement : la supériorité de l’homme sur la femme. Point de discussion. On conçoit, dans cette perspective, que les deux manières de voiler les femmes sont la résultante d’un même référentiel. Peu importe sa dimension (intégral ou pas), le voile, rituel de domination et signe de servitude, repose sur un corps de principes à vocation permanente : réduire la femme à sa plus simple expression sociale.

Dans les deux cas, le principe d’égalité est dénoncé comme une règle sans obligation ni sanction. Cette similitude remarquable montre qu’il est erroné d’analyser les deux catégories de voilage par le prisme de la différenciation car en dépit de la relative diversité formelle, elles visent toujours le même objectif, asseoir le plus solidement possible l’idéologie que prône l’intégrisme musulman. Par le jeu de l’étendue du rejet qu’inspire le port de la burqa et du niqab, le voile islamique se trouve ainsi épuré de toute dimension intégriste. Les fondamentalistes ont réussi à l’empaqueter autrement et à nous le présenter comme un habit neuf. Cette respectabilité, certains cherchent même à la démontrer par l’option colorée de ce couvre-chef nouvelle tendance.

Or malheureusement, ces couleurs ne modifient point le fond. La matrice du foulard demeure inchangée. Cette extension sociale du port du voile (toutes catégories confondues), outre qu’elle expose la laïcité à de sérieux risques de violation et d’effacement, sous couvert de tolérance ou de liberté cultuelle, brouille totalement les frontières non seulement entre l’espace privé et l’espace public, mais surtout entre le temporel et le spirituel. Et le fondamentalisme musulman déploie sa stratégie à la recherche de l’outil le plus viable susceptible de niveler par le bas les valeurs de la République. Aussi, ils instrumentalisent le voile intégral pour légitimer le «moins intégral». La bonne ruse !"

Nous sommes c'est la réalité, devant un débat de société que certains voudraient ramener à des épiphénomènes ! Et pourtant, ce débat est nécessaire. La France a su autrefois, notamment dans le domaine du droit des femmes à disposer de leur propre corps, ouvrir le débat sur l'interruption volontaire de grossesse. Débat qu'on pensait impossible en son temps à cause de l'opposition des églises et de ses représentants au parlement.

L'interdiction du port de signes ostensibles à l'école a été également réalisée plus récemment, alors pourquoi ce nouveau mélange entre sphère privée et publique ?

La provocation revendicative et l'action de certains religieux en sont la plupart du temps la cause. Mais ne doit pas encore regretter, encore plus amèrement les propos du Chef de l'Etat dans la salle de la signature du Palais de Latran, Rome, le jeudi 20 décembre 2007

"Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance." - Allocution de M. le Président de la République dans la salle de la signature du Palais de Latran, Rome, le jeudi 20 décembre 2007.

Et ces propos ne sont pas tombé dans les oreilles de religieux sourds ...

Il n'en reste pas moins , qu'il est certain que nous ne pourrons faire l'économie du vrai débat parlementaire sur ces pratiques. Dans le cas contraire, il faudra accepter que cette première apparition du burquini présage d'autres incursions religieuses dans le quotidien des femmes de France. A suivre, avec attention !!!

Crédit photo
Ahiida

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Le mieux pour combattre cette pratique serait encore de mettre au défi les intégristes de citer un passage du Coran demandant aux femmes de se voiler.

C'est mission impossible, un tel passage n'existe pas, le Coran parle du voile uniquement pour les femmes du prophète.

Le problème du voile n'est donc absolument pas un problème de liberté religieuse comme veulent nous le faire croire certaines personnes.

Le voile est avant tout un habit traditionnel des pays centre et nord africains, du moyen orient et de nombreuses régions désertiques, il servait à protéger le corps des agressions du sable. Cela s'arrête là.

Au lieu de poursuivre ce dialogue de sourds en place depuis des années, il suffirait de faire un minimum d'éducation de masse, en disant la vérité. Ce que j'ai dit plus haut serait largement suffisant.

Inciter les musulmans de tous âges à lire le Coran plutôt que de croire les inventions de certains imams. Ils réaliseraient à quel point ils sont loin de la réalité de leur religion.



Pour finir, je sors quelque peu du sujet, mais j'encourage de la même manière tout pratiquant de quelque religion que ce soit, à commencer par lire ses textes sacrés, puis ceux des autres. Le monde s'en porterait mieux.

babelouest a dit…

Et pour tout arranger (c'est un détail, mais....), ce genre d'accoutrement est parfaitement hideux.

Aude Nectar a dit…

"Comme le dit l'Islam" dit la femme qui s'est convertie à 17 ans et veut se couvrir intégralement et porter sa super combi à la piscine (décidément, c'est d'actualité dans tous les domaines, à Rome et chez les musulmanes voilées)..
Moi aussi je veux bien voir où exactement c'est précisé, Anonyme résume bien ma pensée, le Coran n'oblige pas la femme à se voiler, encore une interprétation frauduleuse dans le seul but d'asservir la femme, la garder à la maison, l'empêcher d'être libre et de s'émanciper, de faire ses choix, voire de bosser, d'où de scandaleuses dérives chez les talibans par exemple qui en profitent pour annihiler toute forme de culture et de liberté au nom de la religion.
Dieu s'il existe doit être navré en nous voyant aussi primitifs, et en assistant à toutes ces déformations..
Enfin, on est au début de notre évolution seulement.

Kaos a dit…

La comparaison avec les combats pour le droit à l'avortement est plus que douteuse.

Demander des droits et libertés n'a rien à voir avec un quelconque 'débat parlementaire' dont la finalité sera la prohibition et l'exclusion des récalcitrantes des espaces publics.

Que le voile puisse être stupide et rétrograde est une chose, l'interdire et exclure celles qui le portent en est un autre.

Anonyme a dit…

Déplacer le pb du port de cette "chose" au plan religieux est stupide et l'erreur est bien du fait de la 1ère personne qui a laissé faire.
Les bermudas, shorts et caleçons sont interdits à la piscine. Les hommes qui veulent en porter s'interdisent donc d'y venir (comme mon fils) ou s'exposent à en être expulsés. Le port du monokini et le nudisme sont également interdits. Les contrevenants porteront-ils plainte au nom d'une discrimination quelconque ? Non, bien sûr ! Pourtant n'y a-t-il pas atteinte à leur liberté de s'habiller (ou pas) comme ils veulent pour profiter des joies de la baignade ?
La crainte de froisser les croyances des musulmans tétanisent les autorités alors que cette nouvelle polémique n'est qu'une tentative de plus d'imposer des coutumes incompatibles avec la République.

Anonyme a dit…

Tiens, un billet que j'aurais pu écrire. Ça me dispense de le faire :-)

Anonyme a dit…

"L'erreur a été de laisser faire une fois" !

Quelle blague ! Cet argument est complètement fallacieux. Qui a dit : "une fois n'est pas coutume ?"

S'il suffisait d'une "erreur" pour entériner une pratique, où irions nous ?

JL

Mouton a dit…

http://rimbusblog.blogspot.com/2009/08/burkini-deontologie-et-manipulation.html

Bêêêh ?

ARIIX a dit…

C'est un débat plutôt houleux mais dans le fond je rejoins l'avis du rédacteur.
Merci pour l'article, ça donne matière à réfléchir..